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sance chez l’adulte et s’est déversée sur l’enfant ; elle a consisté dans un délire de persécutions tout appréhensif.

Nous ne citerons qu’une brève observation, et au lieu d’un exposé, nous donnerons pour ainsi dire la sténographie du récit auquel se sont associées les deux malades. Le fait ainsi rapporté est brut et presque brutal, mais à ce titre il devient saisissant et donne pour ainsi dire la note caractéristique de la situation.

Observation III. — La femme M…, a trente-cinq ans, sa fille en a treize. Le délire vulgaire date environ de quatre mois, et c’est sur les plaintes des voisins que la mère a été soumise à un examen médical. Elle est de taille moyenne, amaigrie, pâle et presque fébrile ; physiquement, elle se plaint de nausées fréquentes, d’insomnie, de fatigue sans maladie. Des troubles gastriques assez accentués sont attribués par elle à des tentatives répétées d’empoisonnement. Elle sent dans la bouche comme un goût de safran qui l’abrutit et qui l’énerve ; elle a trouvé d’ailleurs du safran dans ses aliments.

« Ça a commencé, dit-elle, qu’on me suivait dans les rues ; les voisins s’en sont mêlés et m’ont insultée. Il y a évidemment des personnes qui me sont étrangères et d’autres que je connais ; il faut qu’il y ait comme un complot.

Depuis quelques semaines, on fait la nuit des pesées à ma porte. Je me suis sauvée de chez moi il y a huit jours pour aller coucher chez une amie au milieu de la nuit. Là aussi on a frappé à la porte cochère et essayé de la soulever avec des pinces ; je l’ai entendu.

Je n’y suis pas restée et j’ai voulu rentrer chez moi, mais il m’a fallu m’enfuir et demander à coucher à une autre dame. Là il n’y a rien eu.

Je suis revenue chez moi ; on a essayé d’ouvrir la porte en mon absence, on a changé ma clef. Bien des affaires ont disparu de ma chambre, des bandes de mérinos, de la laine, de la soie, etc.

C’est la nuit qu’on me tourmente et l’on s’en va à sept heures du matin. Je les ai entendus remuer et me suis barricadée avec mon lit, mais je ne les entends pas parler.

Les gens qui me persécutent sont les nommés V… et S…, mes voisins. V… a dit devant moi : il y a toujours ceci et cela. Sa femme