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Dans d’autres cas, la participation de l’entourage est plus active ; non seulement il accueille, mais il provoque les confidences et, en passant de bouche en bouche, le récit se rectifie ou s’amplifie. L’enfant se trouve alors entre deux courants. L’un, celui de l’aliénée, qui a été le promoteur de ces conceptions, l’autre, celui des assistants, qui atténuent les invraisemblances et complètent les côtés admissibles au gré de leurs passions. Dévoyé par l’un, redressé par les autres, l’enfant finit par croire à ces inventions de seconde main.

Cette double culture était très marquée dans un fait que nous mentionnerons, sans entrer dans des détails intéressants, mais qu’il serait trop long de rappeler.

Observation II. — Il s’agit encore d’une jeune fille élevée cette fois par sa mère, que le père a laissée dans la misère pour s’enfuir on ne sait où. La mère est persécutée, mais son délire, sans complications de sénilité (elle a quarante ans), porte sur des objets définis. Ce sont les prêtres, un surtout, qui se sont acharnés contre elle et l’empêchent de trouver du travail. La fille a seize ans, scrofuleuse, chlorotique, de taille et de stature moyennes, à l’intelligence peu développée. Elle n’a appris que laborieusement à lire, a peu fréquenté l’école, n’a été astreinte à aucun apprentissage. La mère et la fille vivent dans une étroite communauté de la petite pension que leur fait un parent plus aisé ; elles habitent la même chambre, couchent dans le même lit et ne se quittent jamais. L’enfant répète aux voisins les propos délirants de la mère ; elle affirme avec elle qu’un prêtre vient chez elle de temps en temps, le soir quand elle est couchée, que les lumières sont éteintes et qu’il les menace. Sa mère l’entend, quoiqu’il parle à voix basse, et elle aussi, mais confusément. Au matin, sa mère lui répète tout, et elle se souvient bien d’avoir entendu.

Les confidents se communiquent les détails de cette étrange aventure et y ajoutent des commentaires. Il leur plaît de découvrir que ce prêtre imaginaire en veut à la vertu de la fille et ils le lui persuadent aisément. De là, plainte, examen médical et constatation de la folie caractérisée de la mère.

Dans ces deux faits, comme dans tous les autres qu’il nous a été donné d’observer (et ils sont assez nombreux), la folie a pris nais-