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Il en est de même de beaucoup de faibles d’esprit, d’individus mal nés ou incomplètement développés, qui, sans pouvoir être classés parmi les imbéciles ou les idiots, ont néanmoins une nature intellectuelle et morale si défectueuse, qu’il n’est pas possible à un médecin interrogé par les magistrats, à l’occasion d’un crime ou d’un délit commis par eux, de les considérer comme jouissant de l’intégrité de leurs facultés et de leur liberté morale. Enfin, dans un certain nombre d’affections cérébrales, autres que la folie, telles que les tumeurs du cerveau donnant lieu à l’affaiblissement intellectuel, et certains cas chroniques de ramollissement ou d’hémorragies cérébrales anciennes, n’ayant pas réellement entraîné la perte de la raison et du libre arbitre, il est également possible pour le médecin expert d’hésiter avant de se prononcer sur la validité d’un testament rédigé dans ces conditions, ou sur la culpabilité d’un acte incriminé. Or, dans toutes ces circonstances, qui n’appartiennent pas au domaine de l’aliénation mentale pleinement confirmée, de même que dans les cas si fréquents de simple prédisposition à la folie, et dans les périodes prodromiques ou de développement des maladies mentales, nous comprenons parfaitement que le médecin légiste doive abandonner le principe rigoureux de l’irresponsabilité absolue, qui ne s’applique qu’aux faits de folie bien caractérisés, pour faire appel à l’appréciation individuelle de chaque cas particulier. C’est alors que la doctrine de la responsabilité partielle, telle que la comprend M. Delasiauve, et sa théorie de la pseudo-monomanie (dans laquelle il a fait rentrer plusieurs de ces états mixtes qui devraient, selon nous, être exclus de son cadre), peuvent rendre de véritables services au médecin légiste.

Mais, tout en reconnaissant que les limites scientifiques qui séparent ces états de trouble mental de la folie proprement dite ne sont pas rigoureusement tracées, nous persistons à penser que la théorie de la responsabilité partielle doit être repoussée absolument, aussi bien pour les diverses variétés de la folie raisonnante que pour toutes les autres formes bien déterminées des maladies mentales.