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autres, peut, selon nous, être admise par les médecins, sans devenir infidèles à la doctrine générale que nous avons établie. C’est là une responsabilité variable chez un même aliéné dans des moments différents, selon les périodes de son affection, et non dans le même instant, suivant la diversité des actes auxquels elle s’applique. Ce sont évidemment deux doctrines essentiellement distinctes, qui ne peuvent être confondues en aucune façon, et c’est en cela principalement que notre opinion diffère profondément de celle qui a été soutenue par M. Delasiauve.

3oÉtats de trouble mental étrangers à la folie proprement dite. — Un dernier point nous reste enfin à toucher rapidement pour terminer notre réponse à M. Delasiauve, est ce point et le plus délicat de tous. Nous voulons parler des états de trouble mental qui peuvent devenir l’objet d’une expertise médico-légale au point de vue de la responsabilité, et qui pourtant ne rentrent pas scientifiquement dans le cadre de la folie proprement dite. Ici les hésitations et les perplexités du médecin légiste peuvent devenir très grandes, et il n’est plus possible alors de poser un principe absolu, comme pour les faits d’aliénation mentale caractérisée. Souvent, par exemple, les médecins spécialistes sont consultés par les tribunaux pour juger de l’état mental de certaines femmes, ayant commis un délit ou crime sous l’influence de troubles de la menstruation, pendant la grossesse, ou à la suite de l’accouchement, sans être pourtant dans un étal véritable de folie ; fréquemment alors on a vu ces médecins, s’appuyant sur l’observation des phénomènes pathologiques variés constatés chez des personnes placées dans ces conditions exceptionnelles, conclure chez elles à l’absence de la responsabilité morale.

Dans d’autres circonstances, il s’agit de malades hystériques ou épileptiques, qui ne peuvent nullement être regardés comme aliénés, et qui pourtant commettent des actes paraissant être sous la dépendance de leur maladie nerveuse et pouvant, partant, motiver l’indulgence, ou même l’exonération complète. D’autres fois, on est consulté pour des individus adonnés à des habitudes d’ivresse sous des influences pathologiques, sans être réellement atteints d’alcoolisme aigu ou chronique, et pour lesquels les médecins peuvent également réclamer le bénéfice des circonstances atténuantes, sans cependant les faire passer pour des aliénés.