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2oRémissions, intervalles lucides et intermittences. — La folie raisonnante présente souvent dans sa marche de grandes inégalités et des suspensions plus ou moins complètes de l’état maladif. On peut donc admettre que, dans ces intervalles, l’aliéné puisse être regardé comme responsable de ses actes, ou considéré comme en état de faire un testament ou d’autres actes civils susceptibles d’être validés par les tribunaux. C’est une chose en effet bien différente que de vouloir scinder la responsabilité humaine d’un individu dans un même moment ou à diverses époques de sa maladie. Ceux qui ont observé beaucoup d’aliénés ne peuvent pas nier qu’il existe chez eux de grandes variations dans le degré de leur affection selon les instants où on les observe. De plus, il est connu de tous, quoique la réalité du fait ait été niée par quelques auteurs, qu’il existe quelquefois chez les aliénés de véritables intervalles lucides de très courte durée, pendant lesquels ils peuvent recouvrer momentanément toute leur liberté morale ; enfin, on constate bien plus fréquemment encore des suspensions plus prolongées de la maladie, pendant des semaines, des mois, ou des années, dans les formes des affections mentales connues sous les noms de folies périodiques ou intermittentes. Or, de même qu’on est bien forcé de reconnaître qu’un aliéné guéri, ou revenu à la raison, doit jouir de nouveau de tous ses droits civils et récupérer toute la responsabilité de ses actes, le même principe est évidemment applicable aux intermittences bien caractérisées, qui ne sont en réalité qu’un état de guérison temporaire. Par une extension toute naturelle de ce principe, on doit accorder le même privilège ou le même bénéfice aux actes des aliénés accomplis dans les intervalles lucides, qui ne sont aussi qu’une intermittence de plus courte durée. Enfin, on peut même l’étendre aux périodes de rémittence extrêmement prononcée, qui sont caractérisées par un retour à peu près complet à la raison et pendant lesquelles on peut encore admettre que l’aliéné a recouvré une lucidité d’esprit et une liberté de choix et de décision suffisantes pour qu’il soit possible de le regarder comme responsable de ses actes et capable de rédiger un testament, ou tout autre acte civil, que les tribunaux pourront légalement valider.

Dans ces circonstances seulement et dans ces limites bien déterminées, la théorie de la responsabilité des aliénés, raisonnants ou