Page:Falret - Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 1890.djvu/552

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leur vie et de leur honneur, en cherchant à les préserver d’une condamnation imméritée. Plusieurs auteurs ont, en effet, établi une distinction entre les questions civiles et les questions criminelles, au point de vue de la responsabilité légale des malades affectés de délire partiel. J’ai moi-même soutenu cette opinion, pour quelques cas très rares, dans mon premier discours sur la responsabilité des aliénés. Mais je reconnais volontiers maintenant que, proclamer ces exceptions, pour la capacité civile de certains aliénés, c’est tomber dans une contradiction avec le principe général de l’irresponsabilité absolue : or, ce principe ne peut avoir de valeur qu’à la condition d’être admis sans restriction aucune, et concéder aux adversaires une différence entre la capacité civile des aliénés et leur responsabilité criminelle, ce serait entrer dans la voie des interprétations individuelles qui est celle des magistrats et où les médecins ne doivent pas s’engager. Je conclus donc que les fous raisonnants, ainsi que les autres aliénés, doivent être regardés comme aussi incapables de signer un acte civil valable, qu’irresponsables pour un acte dit criminel. Pour ces aliénés, comme pour tous les autres, le médecin-expert doit se borner à constater l’existence de l’aliénation mentale, au moment de l’exécution de l’acte, et de cette simple constatation découlent nécessairement, l’irresponsabilité pour l’acte criminel et l’incapacité absolue pour l’acte civil. Au lieu d’étudier, comme les magistrats, l’acte civil en lui-même, le testament, par exemple, dans son texte, dans sa rédaction, dans ses diverses clauses, et de le valider ou de l’invalider d’après les circonstances qui résultent de cette étude directe de l’acte lui-même, c’est sur l’individu malade seul que doit porter l’investigation du médecin expert et c’est sur cet examen qu’il doit faire reposer ses conclusions. Je sais bien que cette doctrine générale est contraire à la jurisprudence actuelle et à la manière habituelle de procéder de nos tribunaux ; mais elle me semble la seule en rapport avec l’esprit général de notre législation, qui proclame que tout acte civil ou criminel doit être considéré comme sans valeur, s’il a été accompli par un individu qui n’était pas sain d’esprit au moment de sa perpétration. Il n’y a, selon moi, que deux circonstances qui puissent permettre, dans certains cas particuliers, une infraction à cette loi générale, et ce sont celles qui me restent maintenant à examiner.