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tutions et les ont ensuite abandonnées avec éclat pour retourner à leurs anciennes habitudes. Tout, en un mot, a été irrégulier, étrange et désordonné dans le genre de vie de ces êtres incomplets et mal nés, prédisposés héréditairement à la folie raisonnante, lorsque enfin on a commencé à s’apercevoir de leur état maladif, surtout caractérisé par la perversion des instincts, des sentiments et des penchants et par le désordre des actes, mais dont l’intelligence présente aussi de nombreuses lacunes, qui, pour n’être pas aussi saillantes, n’en sont pas moins réelles. Mais alors aussi surviennent de nouvelles péripéties dans leur existence mouvementée. Ils mettent le désordre, l’anarchie et la guerre partout où ils se trouvent. En révolte ouverte avec leurs familles et avec la société tout entière, ils soulèvent partout la répulsion et la haine, et ils réagissent eux-mêmes par des actes violents contre les sentiments qu’ils ont fait naître autour d’eux. Pleins d’insubordination, ils échappent à leurs familles ou à leurs supérieurs, pour mener une vie vagabonde, irrégulière, qui souvent les conduit devant la justice lorsqu’elle ne les amène pas dans les asiles d’aliénés.

Sont-ils mariés, la vie de ménage devient un véritable enfer pour ceux qui se trouvent malheureusement associés à eux, et à la suite de querelles intestines, de luttes cachées et d’horribles souffrances morales, bienheureux sont ceux qui parviennent à obtenir la séparation ou la séquestration légale de pareils êtres, dont la nature morale, incomplète et dépravée, est absolument incompatible avec la vie commune ou avec la vie sociale.

Sont-ils enfin séquestrés dans les asiles, ils deviennent alors le fléau de ces établissements et y suscitent les luttes et les désordres les plus multipliés. Paraissant raisonnables, malgré la profonde altération de leur nature intellectuelle et morale, ils arrivent à convaincre de leur raison quelques membres de leur famille et certains employés des asiles où ils sont renfermés. Ils écrivent des lettres, des réclamations aux autorités, et souvent, après bien des discussions et malgré l’avis contraire du médecin de l’établissement, ils sont remis en liberté par la justice, et recommencent bientôt le même genre de vie vagabonde et irrégulière, qui les fait passer successivement, et souvent un grand nombre de fois, soit devant les tribunaux, soit dans les asiles d’aliénés.