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pour de petits prodiges, ils ont offert la plupart du temps d’énormes lacunes dans leur intelligence et une faiblesse vraiment radicale des autres facultés. Au moral, on a constaté chez eux les mêmes contrastes et les mêmes singularités. À côté de facultés affectives normalement développées, ils ont présenté des instincts pervers, des sentiments dépravés, des penchants violents et incoercibles ; ils se sont livrés à des actes tout à fait étranges, dénotant une mauvaise nature ou une absence complète de sens moral. L’éducation commune dans les pensions ou les collèges a été pour eux impossible ; ils se sont fait renvoyer de toutes les institutions où leurs parents les avaient placés, et la vie de famille elle-même est devenue intolérable, à cause de leurs mauvais penchants et de leur absence complète de sentiments affectueux.

Quelquefois même ils ont été plus loin.

Leurs actes dépravés et coupables les ont fait punir par les tribunaux dès leur jeune âge : ils ont été envoyés dans les maisons de détention ou de correction et dans les prisons.

Arrivés à l’âge de la puberté, ils se sont fait remarquer, entre tous leurs camarades, par la singularité de leur caractère et l’étrangeté de leur conduite ; ils n’ont pu rien faire comme les autres hommes de leur âge, adoptant une profession avec ardeur pour la délaisser bientôt sans motif, passant rapidement par les sentiments et les déterminations les plus opposés, se livrant à tous les excès avec une sorte de frénésie, et étonnant ensuite leurs parents et leurs amis par la solennité de leur conversion ou par l’éclat de leur repentir ; entreprenant les travaux les plus différents et les quittant ensuite pour se livrer à d’autres occupations. Susceptibles, irritables, fantasques, prenant tout avec passion, passant rapidement de l’enthousiasme au découragement, ils ont attiré l’attention de tous ceux avec lesquels ils ont vécu par l’excentricité de leur conduite et par les contrastes inexplicables de leur caractère. Les uns se sont engagés comme soldats, se sont fait condamner pour indiscipline ou pour insultes envers leurs supérieurs, et ont ensuite déserté la profession militaire pour se lancer dans d’autres directions ; d’autres, après avoir étonné par leurs débauches et les désordres de leur conduite, sont entrés dans des maisons religieuses, dans des couvents, se sont soumis aux exigences les plus sévères de ces insti-