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nante si l’on admettait la réalité de cette forme de maladie mentale, nous ne pouvons découvrir les caractères principaux assignés par M. Delasiauve à la pseudo-monomanie. Loin d’avoir la conscience de leur état maladif, ces aliénés ont au contraire la conviction profonde de l’intégrité de leur raison. De plus, les perversions des sentiments et des instincts, ainsi que les actes désordonnés qui en résultent, loin d’être fugaces et mobiles, loin de paraître et de disparaître alternativement sur la scène intellectuelle, peuvent bien sans doute varier de degré selon les moments, mais conservent au fond chez ces malades une fixité et une persistance qui leur donnent toutes les apparences d’un caractère normal et qui découragent tous les efforts de la thérapeutique morale. Sans doute, à cette objection M. Delasiauve pourrait répondre, comme il l’a déjà fait, que j’ai moi-même commis une confusion analogue, en décrivant, dans mon dernier discours, comme faisant partie de la folie raisonnante, cinq variétés de maladies mentales qui ne devraient pas légitimement lui appartenir, et en laissant dans l’ombre celles qui en représentent précisément le type le plus habituel. Mais j’ai eu le soin déjà d’aller au-devant de cette objection. J’ai dit, en effet, que je n’avais accompli que la moitié de ma tâche ; après les cinq variétés que j’ai cherché à caractériser, j’ai signalé quatre autres catégories qui devraient encore être étudiées, pour compléter l’ensemble des faits de divers ordres que l’on réunit arbitrairement aujourd’hui sous le nom vague et compréhensif de folie raisonnante.

Je dois donc maintenant dire quelques mots de ces quatre catégories de faits.

1oJe mentionnerai d’abord certains délires de persécution, encore mal systématisés, ou en voie d’évolution que les malades parviennent à dissimuler, dont le développement est tout intérieur et qui ne se manifestent au dehors que par l’excentricité des actes, les altérations des sentiments et les désordres de la conduite. Ces aliénés, qui appartiennent en réalité au délire partiel avec prédominance d’idées de persécution se font le centre de tout ce qui les entoure ; ils se renferment dans leur orgueil et se croient l’objet de l’attention et de l’animadversion générales ; ils interprètent contre eux-mêmes tous les faits les plus insignifiants qui se passent autour d’eux et s’imaginent être victimes de la malveillance, de la haine ou de la répulsion