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plutôt que de ceux du délire systématisé. M. Delasiauve a fait ainsi pour la monomanie d’Esquirol ce que M. Baillarger avait déjà voulu faire pour la mélancolie : il a constaté l’existence d’un trouble général, ou d’une confusion générale des idées, dans l’une des catégories des délires partiels expansifs, ou des monomanies d’Esquirol, comme M. Baillarger a vu une dépression générale des facultés dans toute une section des mélancoliques qu’il a fait passer par cela même dans la classe des délires généraux. Ces deux modifications profondes apportées parallèlement à la classification d’Esquirol par deux aliénistes éminents, qui en conservent néanmoins les principes fondamentaux, nous paraissent un premier pas fait dans la voie du renversement complet de cette classification, et concourent à la destruction de la barrière artificielle qui sépare encore aujourd’hui les délires partiels des délires généraux. Mais, laissant de côté cette question générale, revenons à la question spéciale qui nous occupe. Comment cette description de la pseudo-monomanie, sur les détails de laquelle M. Delasiauve a beaucoup insisté dans son dernier discours, peut-elle s’adapter à l’idée que chacun de nous se fait, depuis Pinel et Esquirol, de la folie ou de la manie raisonnante ?

Quel rapport M. Delasiauve peut-il découvrir entre ces deux ordres de faits ? Sur quels caractères communs peut-il s’appuyer pour prouver que sa description de la pseudo-monomanie correspond, à peu de différences près, à la folie raisonnante telle qu’elle est généralement décrite ? C’est ce que, pour notre part, nous n’avons pas pu comprendre.

Nous voyons bien la conscience de son état, et l’envahissement involontaire de l’esprit malade par des conceptions délirantes variées et par des impulsions instinctives multiples, dans quelques-unes des variétés de la folie raisonnante, par exemple dans celles que nous avons décrites sous les noms provisoires d’hypocondrie morale et de folie avec prédominance de la crainte du contact des objets extérieurs ; mais il nous est impossible de retrouver ces caractères fondamentaux dans les variétés qui représentent plus spécialement le type habituel de la folie raisonnante, c’est-à-dire dans celles où l’on constate l’altération profonde des sentiments et des instincts, avec désordre extrême des actes et avec conservation apparente de l’intelligence.

Dans ces cas, qui seuls mériteraient de constituer la folie raison-