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et que, laissant de côté ces abstractions, il se contentait d’étudier les résultats du travail de ces facultés, c’est-à-dire ce qu’il appelle le fonctionnement mental, ou bien encore la théorie des mobiles. Selon lui, les facultés en action produisent des sensations, des idées, des impulsions, des sentiments qui surgissent et s’entre-choquent dans la tête humaine, à l’état physiologique et pathologique, et qui sont les véritables mobiles de nos actions. Or, ces mobiles venant à changer dans l’état pathologique, entraînent l’homme malade dans des directions différentes de celles de l’homme sain d’esprit, quoique les facultés, ou les forces qui leur donnent naissance, soient toujours les mêmes et conservent dans la maladie comme dans la santé leurs caractères propres. Mais tout en attribuant les perversions pathologiques observées chez les aliénés à la modification des mobiles des actions humaines (c’est-à-dire aux changements survenus dans les sensations, les idées, les impulsions et les sentiments), plutôt qu’à l’altération des forces ou facultés primitives de l’âme humaine, M. Delasiauve croit néanmoins à l’existence distincte de ces forces, à leur insolidarité à l’étal normal et à leurs lésions isolées à l’état maladif ; il en étudie les altérations séparées comme causes, symptômes et moyens de classement des maladies mentales, et il fait sans cesse des applications de la psychologie normale à la pathologie mentale. Or, c’est sur ce point spécial que je me trouve en désaccord complet avec lui.

II.La folie raisonnante est-elle une forme distincte
de maladie mentale ?

J’arrive à la seconde question, c’est-à-dire à la question clinique. Sur ce point encore il y a dissidence profonde entre M. Delasiauve et moi.

J’ai cherché à prouver que la folie raisonnants n’existait pas, comme forme ou variété distincte de maladie mentale, et qu’elle n’était qu’une réunion arbitraire et artificielle de faits disparates.

M. Delasiauve, au contraire, cherche à établir que si le mot de folie raisonnante est mauvais (et surtout celui de monomanie raisonnante d’Esquirol, parce que le délire n’est pas monoma-