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conseil, et ni lui, ni les lois elles-mêmes, ne peuvent rien imposer contre la volonté des individus ou des familles. Il en est des aliénés raisonnants comme des épileptiques, dont Legrand du Saulle voudrait aussi voir interdire le mariage par une prescription légale. Ce sont là, à nos yeux, des mesures trop rigoureuses et trop sévères pour qu’elles puissent être applicables ; elles ne seraient d’ailleurs jamais mises en pratique, alors même qu’elles seraient décrétées et formulées dans les lois.

Après la séquestration et le mariage des aliénés atteints de folie raisonnante, il nous resterait encore pour parcourir le cercle des principales questions légales et administratives qui concernent ces malades, à dire quelques mots des séparations de corps, des conseils judiciaires et de l’interdiction ; mais je me bornerai à les signaler pour arriver enfin à la quatrième partie de ce travail, c’est-à-dire à la partie médico-légale.

IV.Partie médico-légale.

La folie raisonnante, plus que toute autre forme de maladie mentale, mérite d’être étudiée au point de vue médico-légal. Les difficultés sont plus grandes, en effet, dans ces conditions que dans toutes les autres. Il est souvent très difficile de reconnaître si le sujet examiné est réellement aliéné, parce que l’état de plusieurs de ces malades se rapproche singulièrement de certains caractères de l’état normal, et parce que l’excentricité ou la bizarrerie natives touchent souvent à la folie. Les médecins, même très exercés, peuvent donc hésiter, dans quelques circonstances, pour affirmer si la personne soumise à leur examen est dans un état compatible avec la raison, ou bien si elle a réellement franchi la limite de la maladie. Quelques individus, prédisposés à la folie, sont, en effet, dès leur enfance, fantasques et excentriques ; ils sortent de la ligne commune, sous le rapport de l’intelligence, des sentiments et de la conduite, et ne sont pourtant considérés par personne comme des aliénés. Il est même remarquable que ces êtres exceptionnels conservent souvent pendant toute leur vie ce même degré d’excentricité sans jamais arriver jusqu’à un état de véritable folie.