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On s’est même demandé si dans les cas extrêmes, lorsque des actes violents sont à redouter par la mise en liberté de ces malades, leur séquestration ne devrait pas être perpétuelle. Aubanel s’est prononcé en faveur de ce moyen rigoureux pour les aliénés homicides, et d’autres auteurs ont voulu l’appliquer aux aliénés raisonnants, ou du moins aux aliénés dits criminels. Cette question, liée intimement à la création des asiles spéciaux pour les aliénés criminels, comme il en existe en Angleterre et comme Brierre de Boismont et Legrand du Saulle en ont proposé pour la France, est trop importante pour pouvoir être abordée incidemment et elle exigerait un examen spécial. Bornons-nous à dire que, selon nous, la séquestration perpétuelle des aliénés, homicides ou autres, ne peut être proclamée ni repoussée en principe d’une manière absolue ; en pratique, sa solution dans chaque cas particulier, doit être, ainsi que l’a dit fort justement Parchappe[1], entièrement abandonnée à la science et à la conscience du médecin de l’asile où se trouvent ces aliénés.

Il en est de cette question comme d’une autre question légale, dont nous devons dire aussi quelques mots, c’est-à-dire du mariage des aliénés raisonnants.

Sans doute, il serait désirable, dans l’intérêt des familles et de l’humanité en général, que le vœu émis par Trélat[2] pût être réalisé, et que, lorsque l’état mental de ces aliénés est bien connu du médecin de la famille, celui-ci pût empêcher un mariage qui doit donner naissance à tant de malheurs pour la personne qui s’unit à eux et pour les enfants résultant de cette union. Trélat a eu certainement raison, dans ces cas si malheureux de maladie mentale à forme raisonnante, de chercher à déverser sur la famille de ces aliénés une partie de la sympathie et de la pitié que les tendances philanthropiques de notre époque ont concentrées tout entières sur l’aliéné lui-même ; car les familles sont souvent alors bien plus à plaindre que les malades.

Mais dans l’état actuel de notre législation et de nos mœurs, lorsqu’il s’agit de mariage, le médecin ne doit pas dépasser la limite du

  1. Parchappe, Annales médico-psychologiques, 3e série, t. I, p. 522 ; 1855.
  2. Trélat, La folie lucide.