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eux-mêmes, soit pour ceux avec lesquels ils vivent, et que ceux mêmes qui ne présentent pas un danger immédiat, dans le sens rigoureux du mot, deviennent, dans leurs familles ou dans la société, l’occasion de désordres sans fin, de véritables scandales, jettent la perturbation partout où ils se trouvent, et sont souvent tellement intolérables pour tous ceux qui les entourent, qu’il est indispensable de songer à les isoler.

Malheureusement, dans l’état actuel des esprits et de la législation, les difficultés sont souvent énormes pour faire admettre l’existence d’une folie raisonnante par les parents, par les médecins ordinaires et par les magistrats. Il faut que la maladie existe depuis bien longtemps et qu’elle soit arrivée à un degré très avancé de développement pour qu’on consente à la reconnaître, et alors même que quelques personnes dans l’entourage du malade commencent à être convaincues, d’autres contestent encore et sont prêtes à protester.

Ceci nous amène tout naturellement à dire quelques mots de la loi de 1838, aujourd’hui si injustement attaquée, que l’on accuse bien à tort de favoriser des séquestrations illégales, et qui, au contraire, devient souvent un obstacle à la séquestration, en temps opportun, de certains aliénés raisonnants. Cette loi est assurément excellente dans son ensemble. Elle a été mûrement élaborée par des jurisconsultes sérieux et capables. Appuyés sur les conseils des médecins, ils sont parvenus à concilier, d’une façon vraiment remarquable, les intérêts des aliénés et de leurs familles avec ceux de la société. Œuvre éminemment médicale, cette loi a eu pour but principal et pour résultat immédiat de faire placer de bonne heure les aliénés dans les asiles, à une période où ils sont encore curables, et de favoriser l’intervention du médecin, soit pour soigner, soit pour constater la folie. Aussi, au risque de paraître rétrogrades, devons-nous tous défendre une loi qui n’a fait que consacrer les principes posés par les médecins aliénistes les plus éminents, depuis le commencement de ce siècle, qui a déjà produit beaucoup de bien et qui en produira davantage encore.

Mais conçue principalement à un point de vue médical, elle est aujourd’hui plutôt appliquée au point de vue administratif de la sécurité publique. Au lieu de se demander si un aliéné est curable, on s’inquiète surtout de rechercher s’il est dangereux ou inoffensif.