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Ainsi, quelques-uns de ces aliénés, tourmentés par des scrupules religieux, se reprochent sans cesse les idées qui surviennent spontanément dans leur esprit, ou les actes les plus insignifiants de leur vie, et passent tout leur temps à se répéter mentalement les reproches qu’ils s’adressent ainsi à eux-mêmes.

D’autres sont constamment occupés à chasser certaines séries d’idées ou bien à en retenir d’autres qui tendent incessamment à s’échapper de leur mémoire.

Les autres, et c’est la prédominance la plus fréquente, ont la crainte perpétuelle de toucher les objets extérieurs avec leurs mains, avec diverses parties de leur corps, ou même avec leurs vêtements, tantôt parce qu’ils redoutent que ces objets ne soient malpropres ou ne contiennent quelque substance malfaisante ; tantôt, comme chez la malade d’Esquirol, parce que ceux-ci pourraient renfermer quelque objet de valeur qu’on les accuserait de s’être appropriés.

Enfin, quelques-uns d’entre eux ont la peur des chiens, et surtout des chiens enragés. Ces malades sont tellement dominés par ces craintes diverses, qui existent chez eux pendant le jour et pendant la nuit, que ces préoccupations réagissent incessamment et de la manière la plus pénible sur tous les détails de leur existence, et les empêchent de vivre de la vie commune et de se livrer aux actes que nous accomplissons tous à chaque instant. Ainsi, ils emploient un temps considérable pour faire leur toilette, pour se décider à se mettre à table et ils redoutent même de porter les aliments à la bouche. Ils ont peur de marcher, dans la crainte de fouler le sol avec leurs pieds ; ils évitent le voisinage des autres hommes pour ne pas leur donner la main, ou pour ne pas les frôler avec leurs vêtements ; ils fuient, en un mot, le contact de tous les objets extérieurs ; enfin, ils ne consentent à toucher le bouton d’une porte pour l’ouvrir, qu’à la condition de se servir de leur mouchoir, du pan de leur habit ou de leur robe ; car les objets métalliques sont ordinairement ceux dont le contact leur répugne le plus.

Quand on n’a pas reçu les confidences de ces malades, on ne peut se faire une idée exacte de la multiplicité des craintes qu’enfante, à chaque instant, leur imagination en délire et des conséquences variées qu’elles entraînent dans les faits les plus insignifiants de la vie de chaque jour. Ont-ils touché involontairement un objet quel-