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Après les lésions des facultés intellectuelles et perceptives, disons quelques mots des perversions morales qui se manifestent aussi quelquefois dans la conduite et dans les actes des individus qui sont sous le coup d’affections cérébrales de diverse nature. Ces perversions sont certainement beaucoup plus fréquentes dans la folie et en particulier dans la paralysie générale, que dans les autres maladies du cerveau ; mais elles s’y produisent néanmoins et ne doivent pas être passées sous silence. Un changement complet dans le caractère, les habitudes et la conduite, lorsqu’il n’est pas le résultat de l’âge et qu’il se manifeste subitement, doit faire soupçonner une maladie du cerveau. On voit, par exemple, les débuts d’affections cérébrales autres que la folie signalés par des excès sexuels ou alcooliques, par des actes d’intempérance ou d’indécence publics, ou même, dans quelques cas, par des vols commis dans des circonstances toutes spéciales, qui en dénotent très clairement aux yeux du médecin la nature maladive.

Nous ne pouvons que mentionner ici ces perturbations morales comme prodromes des maladies du cerveau, et nous arrivons à l’examen détaillé d’un genre de troubles intellectuels, très fréquent dans les affections cérébrales et qui mérite de fixer notre attention d’une manière toute spéciale ; nous voulons parler des troubles variés de la mémoire et du langage auxquels le Dr Winslow a consacré de nombreuses pages.

Troubles de la mémoire. — La mémoire, comme les autres facultés intellectuelles, peut être exaltée ou affaiblie, à des degrés divers, soit au début, soit dans le cours des affections du cerveau ; il est même remarquable que cette faculté est plus généralement atteinte dans ces maladies que dans la folie, où elle est habituellement respectée, excepté dans les périodes chroniques ou dans la démence. Mais ce qui mérite d’attirer notre attention, comme signe particulier des affections aiguës ou chroniques du cerveau, ce sont les lésions partielles de la mémoire, les perversions si bizarres et souvent si limitées de cette faculté, que l’on observe très fréquemment et sur lesquelles on n’a peut-être pas suffisamment insisté.

À l’état physiologique, la mémoire présente, selon les individus et selon les âges, de très grandes diversités. Les uns, par exemple, ont la mémoire des dates et des noms propres, et les