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simplement à des femmes jalouses, méchantes et passionnées. On peut ne trouver chez elles que des êtres repoussants, monstrueux ou criminels, et non des malades. Il n’est pas possible, en effet, de faire reposer la maladie sur une simple différence de degré, surtout alors que nous ne possédons aucun moyen certain de mesurer l’intensité des passions humaines, ni aucune limite précise entre le degré d’exaltation des sentiments et des penchants compatibles avec l’état physiologique et celui qu’on doit regarder comme pathologique. Mais c’est ici précisément que le criterium indiqué précédemment doit nous servir de guide pour distinguer, dans ces cas difficiles de perversion du caractère chez les hystériques, les faits physiologiques de ceux qui appartiennent réellement au domaine de la folie. Chez les aliénés hystériques, en effet, indépendamment des mauvais sentiments ou des penchants violents, exaltés jusqu’au délire et parvenus à un degré d’intensité qui dépasse les limites de l’état normal, nous pouvons arriver, par une étude attentive, à découvrir d’autres symptômes morbides dans la sphère de l’intelligence, de la volonté et des actes, et ces symptômes peuvent nous servir à compléter le tableau de la maladie et démontrer ainsi à tous d’une manière incontestable ce que l’examen exclusif des sentiments ou des penchants exaltés nous avait seulement permis de soupçonner. À côté des passions surexcitées, dont les manifestations violentes avaient seules frappé nos regards et dont le caractère maladif pouvait être douteux, nous constatons chez ces hystériques des idées extraordinaires et souvent absurdes, des désirs bizarres, des goûts dépravés, des instincts pervers, dont les malades elles-mêmes ressentent quelquefois de la honte et du dégoût, et qui sont contraires à toutes leurs habitudes antérieures ; nous constatons enfin des actes excentriques, étranges, insolites ou malpropres. Ces malades, par exemple, boivent leur urine, mangent de la terre, se déshabillent ou restent toutes nues dans leur intérieur, négligent leur toilette, refusent de se laver, sont d’une malpropreté révoltante et deviennent d’une avarice sordide ou d’une prodigalité insensée ; quelques-unes même, comme la malade dont parle Trélat[1], vont jusqu’à collectionner dans de petits papiers les matières les plus dégoû-

  1. Trélat, la Folie lucide.