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arriver à leur but, et quand elles l’ont obtenu, quelquefois même avant de l’avoir atteint, elles passent brusquement d’un extrême à l’autre ; leur amour se transforme en haine, leur sympathie en antipathie, leur désir en répulsion, et elles mettent alors autant d’énergie à fuir, à éviter ou à repousser l’objet poursuivi qu’elles en avaient mis d’abord à le rechercher. Elles sont ainsi, en toutes choses, fantasques et capricieuses, et présentent une extrême mobilité d’idées et de sentiments.

Leur sensibilité offre les plus étonnants contrastes. Ces malades restent souvent sans émotion en présence des grands sentiments qui agitent habituellement l’âme humaine ; elles demeurent froides en face des plus grandes douleurs et, d’un autre côté, elles sont bouleversées jusqu’au point d’éprouver des crises nerveuses, sous l’influence de simples contrariétés ! Ce mot magique, qui n’a pas son analogue dans le vocabulaire des sentiments humains et qu’elles emploient avec prédilection, résume à lui seul toute la vie émotive des hystériques et représente le mobile de toutes leurs actions. À chaque instant, elles se plaignent de ressentir des contrariétés et elles réagissent avec violence contre les personnes ou les circonstances auxquelles elles les attribuent ; il n’est pas d’efforts ni de sacrifices qu’elles ne consentent à faire pour éviter ce désagrément, qui est pour elles le pire de tous les maux, et la crainte d’avoir une contrariété est si puissante chez elles, qu’elle paralyse leurs meilleures intentions et les empêche d’accomplir les actions les plus utiles ou les devoirs les plus impérieux.

Un autre trait également important du caractère des hystériques, c’est l’esprit de contradiction et de controverse. Il suffit qu’on leur demande une concession quelconque pour qu’elles la refusent immédiatement ; elles s’obstinent ainsi dans la résistance en paroles et en actions, et ni les supplications, ni les tortures et les supplices, ne peuvent parvenir à les faire céder. L’obstination et la résistance passive prennent alors chez elles un caractère vraiment maladif ; aucune raison, aucun sentiment, ne peuvent contre-balancer cette puissance d’inertie négative qui contraste singulièrement par sa persistance avec la mobilité habituelle de leurs sentiments et de leurs idées.

Un autre fait principal, essentiellement caractéristique chez les hystériques, c’est l’esprit de duplicité et de mensonge. Ces malades