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l’échafaud pour des crimes imaginaires, ou bien encore sont persuadés qu’on les vole et que tous ceux qui les entourent s’entendent pour les tromper ou leur faire du mal. Combien de fois, dans les familles, constate-t-on de pareils états, qui donnent lieu aux dissensions intérieures les plus pénibles, chez des individus dont la raison n’est pas considérée comme troublée et qui sont plus tard atteints de maladie encéphalique très caractérisée ! Un état d’anxiété, de terreur vague, de crainte instinctive non motivée, précède aussi assez souvent les attaques d’apoplexie ; mais ce n’est pas seulement dans la sphère des facultés intellectuelles que l’on constate des désordres chez les individus menacés de diverses affections cérébrales, c’est également dans les facultés perceptives et morales.

On observe quelquefois chez ces malades des illusions et des hallucinations des différents sens, surtout de la vue. Les malades ont des visions terrifiantes, voient des spectres ou des fantômes, ou bien des objets de formes diverses et souvent lumineux, qui flottent devant leurs yeux ou sur les murailles. Un caractère important distingue, selon nous, ces hallucinations de la vue, observées dans les maladies cérébrales, de celles que l’on constate chez les aliénés. Ce caractère est commun tout à la fois aux délires aigus et toxiques, et aux affections chroniques du cerveau ; il consiste dans l’état de mobilité habituelle des hallucinations de la vue. Les visions qui apparaissent chez les malades menacés ou déjà atteints de maladies organiques du cerveau sont généralement mouvantes. Les figures qu’ils aperçoivent vont et viennent, flottent dans l’air ou s’agitent sur la muraille, avancent vers le malade ou s’en éloignent ; elles représentent, en un mot, une véritable fantasmagorie, tandis que les apparitions qui surviennent chez les aliénés sont presque toujours immobiles et muettes. Un autre caractère également remarquable de ces visions d’origine cérébrale, c’est qu’elles constituent presque toujours pour le malade, surtout dans les premiers temps, un spectacle auquel il assiste en spectateur passif, qu’il considère comme une illusion de ses sens, et auquel il n’ajoute pas foi comme à une réalité extérieure. On a vu également des illusions auditives variées se produire avant l’explosion des cérébrales, et Bouillaud, Parent et Martinet, ont noté que l’inflammation du cerveau était souvent précédée de perversions de l’odorat.