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nomes, ils deviennent prodigues, et de rangés dissipateurs ; ils ne supportent aucune contradiction, aucun reproche, malmènent ceux qui se permettent de leur faire des observations, et, après des scènes d’irritation et de colère, ils arrivent jusqu’à la violence. Ils travaillent d’une manière exagérée, sans en éprouver de fatigue, suffisent à la fois au travail et au plaisir, et se livrent à des excès auxquels leur constitution n’était pas habituée et qu’elle n’aurait jamais pu supporter autrefois. Ayant conscience de l’augmentation de leurs forces physiques et intellectuelles, et pleins du sentiment de bien-être qui déborde, ils se réjouissent de cette transformation favorable de leur personnalité et ils s’en vantent auprès des personnes avec lesquelles ils se trouvent en rapport. Ils deviennent ainsi vaniteux et pleins d’orgueil, de réservés, modestes et circonspects qu’ils étaient souvent autrefois ; ils déclarent qu’ils ne se sont jamais aussi bien portés, et exaltent leurs forces physiques et morales ; ils croient même avoir acquis des talents nouveaux, et se disent chanteurs, poètes ou musiciens, sans arriver pourtant jusqu’à sortir du domaine des choses possibles pour entrer dans le monde imaginaire où se déploiera plus tard leur délire des grandeurs.

Pour terminer ce tableau de l’état d’exaltation mentale prodromique de la paralysie générale, il importe d’ajouter que les actes de ces malades sont souvent étranges, bizarres, contraires à toutes leurs habitudes antérieures, et peuvent même arriver jusqu’à constituer de véritables délits ou des actes réputés criminels.

Leurs sentiments moraux étant pervertis et ces malades n’étant plus arrêtés par aucune considération, par aucun contrepoids, ils s’abandonnent sans aucune retenue à toutes leurs impulsions, et ne respectent plus ni usages, ni décence, ni convenances sociales. Ainsi ils se déboutonnent ou se déshabillent en public, sont négligés dans leur mise et sans gêne aucune dans leurs propos ; souvent même leur langage devient inconvenant et grossier ; ils jurent et emploient des mots vulgaires qui ne leur étaient pas habituels ; ils maltraitent ou brutalisent leurs femmes et leurs enfants et se livrent parfois en public à des actes érotiques ou obscènes qui peuvent les amener devant les tribunaux ; car, à cette période de la maladie, le sens génital est surexcité avec une grande énergie chez l’homme et chez la femme.