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lectuelles, l’observateur attentif commence déjà à constater chez eux quelques absences momentanées de mémoire ou d’intelligence, de véritables lacunes dans leurs conceptions, en un mot des traces non contestables de démence commençante, qui sont comme la marque caractéristique de cette espèce de maladie mentale, même dès ses premiers débuts.

La volonté est ordinairement active et entreprenante. Ces malades passent rapidement à l’action ; ils veulent accomplir immédiatement leurs projets, et, s’ils ne rencontrent pas d’obstacles, ils peuvent arriver au but qu’ils se sont proposé : mais la persévérance manque à leur activité, et si le temps est nécessaire pour la réalisation d’une idée, ils l’abandonnent bientôt pour en poursuivre une autre. Aussi, malgré leur confiance en eux-mêmes, leurs fanfaronnades et même leurs menaces, ils sont le plus souvent faibles de caractère et faciles à diriger comme des enfants, pour peu qu’on ne cherche pas à les heurter de front, et ceux qui les connaissent parviennent ordinairement à faire fléchir leur volonté, même sur les points où ils paraissaient le plus inébranlables.

Cette faiblesse radicale de la volonté, unie à un grand désir de réaliser immédiatement les idées qu’ils ont conçues, se reflète dans leur conduite et dans tous leurs actes. Ils ont une activité physique exubérante, en rapport avec la circulation rapide de leurs pensées : ils ne peuvent rester en place, ni s’astreindre à aucune occupation sédentaire, et sont comme agités d’un besoin de mouvement fébrile. Ils vont et viennent pour donner des ordres ou en surveiller l’exécution, se livrent parallèlement à plusieurs genres de travaux qu’ils veulent mener de front, écrivent des lettres, font des visites, changent de domicile, renvoient leurs domestiques, vont dîner en ville, au spectacle ou en soirées, font des invitations, entreprennent des voyages, se mêlent des affaires des autres en même temps que des leurs, deviennent exigeants, impérieux et despotes avec ceux qui sont sous leur dépendance, et veulent les forcer à certains actes qui leur répugnent ou à une manière de vivre qui leur déplaît. Quant à eux, ils changent tout leur mode d’existence ; ils abandonnent leur vie régulière pour une existence vagabonde et aventureuse ; ils cessent de rentrer chez eux à l’heure accoutumée, s’absentent même pendant plusieurs jours et fréquentent de mauvaises sociétés ; d’éco-