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sibilité qui leur arrachent des larmes, ou bien à des colères violentes, dans lesquelles ils brisent les objets qui leur tombent sous la main, poussent des cris et se roulent par terre, accès de colère analogues à ceux de certains enfants, des épileptiques et de quelques femmes hystériques ; mais ces colères sont passagères, et une fois disparues, il reste à peine dans l’esprit de ces malades quelques traces de ces mouvements tumultueux des passions, aussi vite oubliés qu’ils ont été produits.

L’intelligence, chez ces paralytiques au début, est surexcitée comme le moral. Ils acquièrent des aptitudes qu’on ne leur connaissait pas, et qu’ils ne se connaissaient pas eux-mêmes. Leur mémoire avivée reproduit avec vivacité les souvenirs de leur enfance et même les faits récents qui se passent autour d’eux, ou dans leur for intérieur. Ils conçoivent avec plus de facilité qu’autrefois des idées assez complexes, et leur intelligence, à la fois plus active et plus féconde, est dans une véritable fermentation d’idées, dont quelques-unes sont absurdes et irréalisables, mais dont les autres peuvent être utiles et applicables. Aussi a-t-on vu des malades, dans ces conditions de surexcitation pathologique, inventer des procédés nouveaux, des combinaisons nouvelles, se faire remarquer, en un mot, dans la direction spéciale à laquelle ils ont consacré leurs efforts, par des inventions ou des ressources d’esprit dont ils n’auraient pas été capables avant leur maladie. Dans le commerce par exemple, on voit assez fréquemment des individus appartenant à cette catégorie faire prospérer leur industrie et même faire fortune, dans cette période prodromique de la paralysie générale, par des spéculations hasardées, des combinaisons heureuses ou des témérités aventureuses, qu’un homme raisonnable, placé dans leur position, n’oserait jamais réaliser. Leur imagination en travail conçoit ainsi les idées les plus variées : achats nombreux, voyages lointains, projets de mariage, entreprises considérables, toutes ces idées circulent dans leur esprit et y restent à l’état de désir, ou bien les poussent à l’action ; car, à cette période de la maladie, ces projets, quoique souvent exagérés et peu en rapport avec la position des malades, restent néanmoins encore dans la sphère des choses possibles et réalisables. Mais pour compléter ce tableau, il importe d’ajouter qu’au milieu de cette grande activité, et même de cette fécondité des facultés intel-