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l’explosion évidente de cette forme spéciale de maladie mentale. Ces futurs paralytiques mènent ordinairement une vie vagabonde, aventureuse et très agitée. Ils ont une activité démesurée de corps et d’esprit, qui se manifeste non seulement dans leur langage et dans leurs écrits, mais surtout dans leur conduite. Ils entreprennent le plus souvent de grandes affaires, fréquemment aussi des affaires d’une nature différente ; ils font des projets variés qu’ils cherchent à exécuter immédiatement, ou bien qu’ils abandonnent peu de temps après pour de nouvelles entreprises.

Ces malades offrent presque tous une exaltation extraordinaire de toutes les facultés.

Leur sensibilité présente les plus grands contrastes, selon les moments où on les observe. Généralement doux et bienveillants par nature, ils sont sujets à des accès d’irritabilité, de colère ou même de violence, qui sont en opposition flagrante avec leur bonté habituelle : un rien les irrite ou les contrarie. Ceux qui vivent habituellement avec eux les considèrent comme fantasques et difficiles à vivre ; les étrangers, au contraire, qui ne les voient qu’en passant et ne sont pas témoins de leurs scènes intérieures, ne constatent chez eux que la bienveillance et la facilité de caractère. Quelquefois cependant ils se laissent aller inopinément à des scènes publiques ; ils font des sorties ridicules et inattendues, querellent le premier venu pour des motifs futiles, donnent un soufflet et se battent en duel, manifestent en un mol une susceptibilité tout à fait maladive, à l’occasion d’un fait insignifiant, qui eût passé inaperçu pour toute autre personne et pour eux-mêmes avant leur maladie. Ces malades offrent de grandes inégalités dans leurs sentiments, selon les circonstances. Ils restent froids en présence d’une circonstance grave et importante de leur vie, en face de la mort d’une personne aimée, et s’émotionnent, au contraire, jusqu’aux larmes pour des motifs sans valeur. Leur sensibilité s’exalte tout à coup, monte brusquement à un diapason très élevé de tristesse ou de gaieté, et oscille avec une extrême rapidité de l’amour à la haine, et de la sympathie à l’antipathie ; mais cette explosion subite de tristesse ou de gaieté n’a ni profondeur ni durée, et disparaît bientôt de leur âme, pour faire place à une disposition inverse, ou bien à une véritable indifférence. Ils passent ainsi rapidement des manifestations de la joie la plus vive à des accès de sen-