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vices qui n’étaient pas dans leur nature première et qui rendent toute vie commune impossible avec eux.

Tel est en abrégé le tableau rapide de l’exaltation maniaque, à laquelle viennent quelquefois s’ajouter quelques conceptions délirantes déterminées, mais qui peut exister sans elles à l’état de simplicité. Cette situation mentale constitue l’une des variétés les plus fréquentes de ce que l’on est convenu d’appeler la folie morale ou folie raisonnante. On en trouve toujours plusieurs exemples dans chaque asile d’aliénés, mais elle est bien plus fréquente encore dans le monde, en dehors des asiles. C’est une des variétés les plus connues et les mieux décrites, parmi toutes celles qui sont comprises sous le nom générique de folie raisonnante. Mais ce qu’il importe surtout de savoir, ce qui ajoute un dernier trait à cette description et ce qui, plus que toute autre considération, est propre à convaincre les incrédules de la nature réellement pathologique de ces altérations du caractère et du moral, c’est un fait capital que l’observation nous a appris sur l’évolution de cet état mental, à savoir, qu’il n’est le plus souvent, et l’on pourrait dire presque toujours, que l’une des phases d’une forme de maladie mentale plus complexe, c’est-à-dire un stade de la folie à double forme ou folie circulaire. On découvre presque toujours en effet, dans ces cas d’exaltation maniaque considérés comme des exemples de folie raisonnante, qu’après un temps plus ou moins long passé dans cette situation mentale, quelquefois même après plusieurs années, ces malades, qui ont fait le désespoir de leurs parents, le malheur de tout leur entourage, fréquemment aussi des asiles où ils ont été renfermés, qui ont suscité des procès, des ruines de famille, des ruptures entre des amis, des séparations entre les époux, des scandales intimes aboutissant jusqu’aux tribunaux ; que ces malades, dis-je, après avoir ainsi jeté le désordre dans leur propre vie, dans leur famille et dans la société, tombent brusquement ou peu à peu dans un état mental précisément inverse. Ils deviennent tristes et abattus ; ils s’enferment dans leur domicile, abandonnent toute occupation, deviennent en un mot aussi inertes et aussi indolents qu’ils ont été actifs et agités. Cette période de prostration mélancolique se prolonge ainsi pendant longtemps, plus longtemps en général que la période d’exaltation ; elle peut même aboutir jusqu’à un état de demi-stupeur ; plus tard enfin