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Sous l’influence de l’exaltation qui les domine, ils sont devenus téméraires et entreprenants, souvent même insolents et grossiers. Ils prennent avec les personnes qui les entourent, des libertés ou des familiarités qui leur étaient inconnues autrefois. Rien ne les choque ni ne les révolte dans leur propre conduite, dans leur manière d’être envers les autres hommes, et d’un autre côté, ils se blessent avec une extrême facilité, pour les plus simples observations qu’on leur adresse. Ils veulent tout se permettre à l’égard des autres personnes et ne peuvent rien supporter d’elles. Ils sont, en un mot, susceptibles, irritables, colères, disposés à la discussion, aux contestations et même aux querelles pour les motifs les plus futiles. Leurs sentiments et leurs instincts se trouvent ainsi métamorphosés en même temps que leur intelligence est surexcitée. Ils sont devenus méchants, difficiles à vivre, disposés à nuire, à taquiner, à faire des niches, ou même à faire le mal. Leur langage reflète ces dispositions nouvelles de leur caractère ; il devient mordant, et ils ont souvent des reparties vives et spirituelles mais ordinairement très blessantes. Ils saisissent avec une extrême facilité les ridicules, les travers ou les défauts de ceux avec lesquels ils sont en relation et choisissent toujours les paroles qui savent leur être les plus pénibles pour les leur jeter à la face. Ils inventent ainsi mille histoires, mille mensonges ; ils collectionnent tous les faits qu’ils entendent raconter autour d’eux, et, passant avec habileté de la médisance à la calomnie, ils dépeignent les personnes avec lesquelles ils vivent sous les couleurs les plus fausses et les plus malveillantes, donnant à leurs récits mensongers ou singulièrement travestis, toutes les apparences de la vraisemblance. Ils parviennent ainsi à établir partout la guerre et le désordre autour d’eux, et à rendre toute vie de société impossible.

Il faut avoir vécu avec de pareils malades pour se faire une juste idée des histoires infernales qu’ils sont capables d’inventer, du trouble et des luttes intestines qu’ils répandent dans leur entourage.

En résumé, leurs sentiments et leurs instincts sont entièrement transformés par la maladie ; des êtres auparavant doux et bienveillants deviennent violents, emportés, méchants, jaloux, vindicatifs, et sont souvent entraînés au mensonge, au vol et au cynisme en paroles et en actions. Ils acquièrent, en un mot, des défauts et des