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mais il est souvent le signe avant-coureur de désordres plus graves qui surviennent ultérieurement dans les fonctions cérébrales.

L’affaiblissement progressif de l’intelligence se manifeste souvent dans ses débuts par la difficulté que le malade éprouve à fixer son attention et à conserver l’enchaînement de ses idées : la mémoire est alors vague et incertaine, l’esprit n’exerce qu’une action très imparfaite sur la succession de ses pensées, et, par suite de l’affaiblissement de la volonté et du manque d’attention, la suite des idées se trouve influencée par les circonstances accidentelles. Cette débilité intellectuelle commençante est ordinairement alliée à un affaiblissement simultané de la volonté et du caractère, qui met le malade de plus en plus sous la dépendance des personnes qui l’entourent, même en l’absence de toute perturbation psychique. On observe aussi en même temps un état d’affaiblissement physique et un amaigrissement assez marqué.

Ces symptômes peuvent exister à ce degré, longtemps avant l’apparition d’autres symptômes cérébraux ; aussi méritent-ils d’occuper une place importante parmi les prodromes des maladies du cerveau. Dans d’autres cas, au contraire, la diminution des forces intellectuelles peut survenir très rapidement : elle annonce alors l’explosion prochaine d’une maladie cérébrale très caractérisée. On a vu souvent une suspension subite et temporaire de l’intelligence précéder de quelques heures ou de quelques jours seulement une attaque d’apoplexie.

Dans le début des affections du cerveau autres que la folie, non seulement l’intelligence peut être exaltée ou affaiblie, elle peut être aussi, jusqu’à un certain point, pervertie, sans que l’on soit en droit de considérer cet état comme une véritable folie. Nous touchons ici à un sujet trop voisin de nos études spéciales pour que nous puissions nous y appesantir : nous ne pouvons cependant nous empêcher de signaler quelques-uns des exemples les plus frappants de ces perturbations qui surviennent dans les facultés intellectuelles perceptives et morales. On a vu quelquefois des conceptions délirantes, des idées fausses, précéder les symptômes physiques dans les maladies du cerveau : ainsi, par exemple, des malades, plus tard atteints de ramollissement ou de toute autre affection organique du cerveau, commencent par se croire ruinés, déshonorés, condamnés à