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conduite, les idées, les sentiments ou les actes habituels des hommes en général, dans les conditions où il a lui-même vécu. Jugeons-le avec le criterium du sens commun général, des idées régnantes de son temps, des habitudes ou des convenances sociales de son époque. Voyons si sa conduite est conforme au sens commun ou au bon sens général, et s’il n’a pas heurté de front et trop violemment toutes les idées communes, toutes les notions reçues, toutes les convenances générales, en un mot, le fonds commun qui constitue la raison générale de l’humanité ; car c’est dans cette appréciation de la raison commune, avec ses nombreuses variations et oscillations individuelles possibles, que réside le point de comparaison fondamental qui permet de différencier en dernière analyse la folie de la raison.

Mais soyons bien convaincus, surtout, que si la folie existe chez cet individu, elle ne consiste pas seulement dans une idée, dans un sentiment ou dans un acte, surgissant inopinément au milieu d’une intelligence saine d’ailleurs sous tous les autres rapports et dans un organisme dont toutes les fonctions s’exercent avec régularité. Soyons bien convaincus que celui chez lequel nous aurons découvert une particularité exceptionnelle qui nous a fait songer à la possibilité de la folie, présente en même temps ou a présenté à d’autres époques de son existence, d’autres symptômes plus complexes de dérangement physique et moral. Recherchons donc avec soin dans tous ses organes et dans toutes ses facultés intellectuelles et morales, et nous découvrirons de nombreux phénomènes maladifs, un ensemble de faits, et de plus, un ordre déterminé dans la succession de ces phénomènes, c’est-à-dire une marche, des périodes, en un mot, tout ce qui constitue réellement un état pathologique.

Je me résume et je dis : Si nous voulons arriver à démontrer l’existence d’une maladie mentale chez un individu dont l’appréciation nous est soumise, cherchons chez lui des symptômes physiques, et nous en trouverons ; cherchons des symptômes psychiques multiples, dans l’ordre des sentiments, des facultés intellectuelles et des instincts, et nous en découvrirons ; cherchons enfin une marche ou une évolution pathologique, des périodes d’incubation, d’invasion, de rémission ou de paroxysmes, c’est-à-dire des phénomènes