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attribués qu’à un dérangement de la raison ou à une maladie. Non, ne disons pas cela, parce qu’on pourrait nous montrer dans l’état normal de l’homme une série non interrompue de faits analogues qui nous conduiraient par transitions insensibles, sans limites possibles à préciser, de la raison à la folie ou de la passion à la maladie, et notre diagnostic deviendrait alors singulièrement embarrassant. Mais examinons l’individu sous une autre face ; renversons les termes du problème à résoudre, et nous découvrirons alors des lumières nouvelles pour éclairer notre marche incertaine. Au lieu de prendre surtout en considération le fait le plus saillant qui frappe tous les regards, l’idée ou la passion dominantes qui semblent le point de départ unique des autres idées ou de la conduite chez l’individu que nous examinons ; au lieu de fixer principalement notre attention sur l’acte qui lui est imputé et qui est soumis à notre appréciation ; abandonnons ce point de vue étroit et exclusif pour envisager l’individu lui-même dans son ensemble, dans sa constitution physique et morale tout entière, dans son passé, son présent et son avenir. Faisons, en un mot, de l’observation médicale, comme nous la ferions pour un malade atteint de toute autre affection.

Cessons de disserter à perte de vue sur les limites flottantes et arbitraires qui peuvent séparer théoriquement le crime, la passion ou l’erreur de l’homme normal, des idées ou des sentiments maladifs de l’homme atteint de folie. Étudions cliniquement l’ensemble des phénomènes physiques et moraux qu’a présentés et que présente encore le malade que nous sommes appelés à juger ; recueillons les témoignages ; recherchons dans son passé, dans son histoire depuis plusieurs années, si nous ne pouvons remonter jusqu’à sa naissance et jusqu’à ses ascendants ; faisons-nous rendre compte de ce qu’il a dit et fait longtemps avant le moment où nous avons à l’apprécier ; interrogeons-le lui-même, faisons-le interroger par d’autres personnes dans le moment présent, et à l’aide de tous ces renseignements anciens et actuels, tâchons de reconstituer l’histoire entière de sa vie ; faisons, en un mot, de l’observation complète, au lieu de nous borner à fixer notre attention sur le point unique qui nous est signalé, ou qui frappe de prime abord nos regards ; comparons ensuite cet individu avec lui-même, avec ce qu’il était à d’autres périodes de son existence ; comparons-le par la pensée, avec la