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contestée. Quelques-uns d’entre eux peuvent même flotter, pendant un certain temps, entre les derniers degrés de l’échelle descendante des états physiologiques et les premiers degrés de l’échelle pathologique ascendante. Il en est quelques-uns enfin, plus difficiles encore à apprécier, surtout à une certaine période de l’évolution de la maladie, sur lesquels les médecins spécialistes eux-mêmes peuvent hésiter à se prononcer, pour lesquels on peut se demander s’il s’agit réellement d’un état de folie confirmée, ou simplement d’une période de prédisposition ou d’incubation de la maladie, d’une période prodromique ou bien d’une période de convalescence et de guérison commençante. Eh bien ! dans ces cas d’un diagnostic si difficile, le médecin consciencieux a besoin de nouvelles lumières pour éclairer ses doutes, mettre un terme à ses perplexités, et pour découvrir des éléments de jugement plus nombreux et plus concluants que ceux que nous possédons actuellement. Or, comme nous le disions tout à l’heure, ce n’est pas sur le terrain psychologique, mais sur le terrain pathologique qu’il peut trouver aujourd’hui ces éléments nouveaux de solution pour une question aussi délicate. Depuis soixante-dix ans, les médecins aliénistes les plus illustres, les penseurs les plus éminents ont creusé persévéramment dans la voie psychologique pour arriver à définir la folie en général, et pour poser des limites scientifiques entre la passion et la folie, entre l’erreur de l’homme raisonnable et l’idée délirante de l’aliéné ; ils ont découvert, il est vrai, plusieurs caractères importants dont nous devons tous profiter, et qui sont maintenant des résultats définitivement acquis à la science, mais ils ont rencontré, au terme de leurs recherches, des difficultés presque insolubles, et ils n’ont pu trouver que des limites flottantes entre la raison et la folie, considérées d’une manière générale comme deux entités distinctes, comme deux êtres abstraits et théoriques, diamétralement opposés l’un à l’autre et devant se différencier par des caractères absolus.

Si nous continuons à poser le problème dans ces termes, il restera perpétuellement insoluble. Cette direction de la science, dans laquelle nous persistons à tort, est celle des psychologues, des moralistes et des magistrats, et n’est pas celle des médecins : elle a produit tout ce qu’elle pouvait produire, et en nous immobilisant indéfiniment dans cette situation, nous ne pouvons aboutir qu’à une