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Enfin, ils ont encore affirmé que l’aliéné était poussé involontairement à un acte quelconque, sans motifs, sans réflexion, sans combinaison et sans préméditation, tandis que l’inverse avait lieu pour l’homme passionné ou pour le criminel.

Mais l’observation journalière prouve au contraire, par des exemples nombreux, que les aliénés combinent souvent beaucoup avant d’agir, et que le nombre de ces malades qui commettent des actes dits criminels, en vertu d’un motif raisonné ou d’un motif délirant, est beaucoup plus considérable que celui des aliénés agissant sous l’influence d’une impulsion purement instinctive et non motivée. Nous n’en citerons pour preuve que la difficulté éprouvée par Esquirol, lorsqu’il a voulu trouver des exemples de monomanie homicide instinctive, après avoir d’abord commencé par en nier l’existence. Tous ces moyens de diagnostic, basés sur les caractères des actes, de la passion ou de l’erreur physiologique, opposés à ceux de la folie considérée en général, caractères empruntés aux philosophes et aux magistrats, sont donc insuffisants pour le médecin. Il faut à celui-ci un terrain plus solide ; et ce terrain ne peut être que celui de la maladie, ou en d’autres termes, de l’observation clinique.

Le médecin doit chercher son criterium, pour le diagnostic de la folie, dans la pathologie et non dans la psychologie. Or, ce criterium réside précisément dans le fait même de la maladie, qui est caractérisée par un ensemble de symptômes physiques et moraux, et par une marche déterminée, c’est-à-dire par une réunion de signes diagnostiques et non par un seul.

C’est, selon nous, à l’aide de ce criterium, que le médecin spécialiste peut arriver à trancher pratiquement les questions les plus délicates du diagnostic de la folie et de la médecine légale des aliénés.

Les faits réunis actuellement, d’une manière provisoire et artificielle, sous les noms de folie raisonnante, de folie morale, de folie affective et instinctive, ou de folie lucide, sont, parmi toutes les variétés de la folie, les cas qui prêtent le plus à la contestation et à la discussion, et ceux dont le diagnostic présente, dans la pratique, les plus grandes difficultés. Ils sont placés sur la limite de la raison et de la folie, entre les bizarreries natives du caractère, encore compatibles avec l’état physiologique, et les troubles plus prononcés de l’intelligence ou du moral dont la nature pathologique ne peut être