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altération isolée de l’une d’entre elles à l’exclusion de toutes les autres.

Le vice fondamental de tous les travaux accomplis depuis le commencement de ce siècle par les médecins aliénistes de tous les pays, a été précisément de vouloir transporter purement et simplement dans la médecine mentale les divisions de facultés admises par les psychologues de profession pour l’étude de l’homme normal.

L’école phrénologique surtout, et à sa tête Gall son fondateur, a proclamé cette fragmentation et cet isolement possible des facultés humaines ; elle a même cherché à assigner à chacune d’elles un siège particulier dans le cerveau, et a voulu découvrir, dans la pathologie, des exemples de lésions isolées de ces facultés, correspondant à chacun des penchants, des instincts, des sentiments ou des pouvoirs intellectuels. C’est ainsi que l’on est arrivé à établir des monomanies distinctes, en rapport avec l’altération de certains penchants, tels que le penchant au meurtre, au vol, à l’érotisme, etc.

Pinel déjà était entré dans la même direction scientifique imposée par les philosophes, en créant, comme espèce distincte, la manie sans délire, caractérisée par l’altération exclusive des sentiments et des penchants, sans lésion de l’intelligence.

Esquirol a suivi dans la même voie son illustre maître, en divisant la monomanie en monomanie affective, instinctive et intellectuelle, et si d’abord[1], il n’a pas reconnu la monomanie instinctive homicide, il est revenu plus tard sur cette première opinion[2], en constatant l’existence de quelques faits dans lesquels le penchant au meurtre pouvait exister seul sans aucun trouble de l’intelligence.

En Angleterre, le docteur Prichard[3] a admis également, comme espèce distincte, la folie morale, basée aussi sur la lésion isolée des sentiments et des instincts, et qui correspond à peu près à la manie sans délire de Pinel, et la plupart des médecins anglais ont, depuis cette époque, accepté cette forme de la folie telle qu’elle a été déterminée par le docteur Prichard.

  1. Esquirol, Article Monomanie.
  2. Esquirol, Mémoire sur la monomanie homicide.
  3. Prichard, Different forms of insanity, in relation to Jurisprudence. London 1842.