les cas sans exception, malgré la prédominance de lésion de l’un ou de l’autre, altération simultanée de ces deux ordres de facultés ? Telle est la première question que l’on doit poser à propos de la folie raisonnante, question fondamentale par excellence, puisque le fait essentiel et caractéristique, sur lequel tous les auteurs ont fait reposer cette espèce particulière de maladie mentale, a consisté précisément dans cette donnée première d’une lésion exclusive des facultés affectives ou instinctives, sans aucun trouble de l’intelligence. C’est sur ce terrain que la discussion a été portée depuis le commencement de ce siècle. On s’est demandé s’il existait bien réellement une folie sans délire (folie morale, folie affective, ou folie raisonnante), dans laquelle les sentiments et les instincts seraient seuls pervertis, tandis que l’intelligence resterait parfaitement intacte, et de cette question clinique on s’est élevé à la question psychologique plus générale de la solidarité nécessaire ou de l’isolement possible des facultés humaines, à l’état normal et à l’état pathologique. C’est là un sujet qui a déjà été plusieurs fois traité dans la Société médico-psychologique depuis sa fondation, soit à propos de la monomanie envisagée au point de vue psychologique et légal, soit à l’occasion de la responsabilité partielle. Je n’ai donc pas à y insister longuement ici.
Je me bornerai à dire que je crois fermement, théoriquement et pratiquement, à la complète solidarité d’action des diverses facultés de l’âme, chez l’homme sain comme chez l’homme malade. Dans la folie raisonnante, ou folie morale, l’observation clinique prouve, selon moi, qu’il y a bien prédominance de lésion des facultés morales ou instinctives, mais non absence complète de troubles de l’intelligence. À l’état normal, les psychologues n’ont admis l’existence de facultés distinctes que pour en faciliter l’étude. Ce ne sont là en réalité que des modes divers de l’activité psychique, indivisible dans son unité. Ces facultés ne peuvent pas plus agir isolément à l’état normal qu’elles ne peuvent être lésées séparément par la maladie. Plusieurs facultés coopèrent toujours à chacun des actes de notre esprit, et les résultats produits proviennent tous de l’action simultanée de plusieurs de ces forces primitives de l’âme humaine. De même, à l’état maladif, il peut bien exister et il existe souvent des prédominances de lésion de chacune d’elles, mais il n’y a jamais