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XII

FOLIE RAISONNANTE OU FOLIE MORALE

PREMIER DISCOURS[1]
― 1866 —

La question de la folie raisonnante (manie sans délire, folie morale ou folie des actes), soumise à l’examen de la Société médico-psychologique, est une des plus vastes et des plus difficiles que l’on puisse aborder dans notre spécialité. Elle présente des aspects nombreux et peut être envisagée à des points de vue très divers. Elle mériterait en tout temps d’être étudiée avec soin et de devenir l’objet d’une discussion publique ; mais plus que jamais, cette discussion est opportune, à une époque où les accusations se multiplient d’une façon si injuste contre les médecins aliénistes, à l’occasion de prétendues séquestrations illégales et arbitraires ; or, c’est dans ces variétés de la folie, qui se rapprochent de certains caractères de l’homme à l’état normal, que le diagnostic de la folie offre le plus d’obstacles et de difficultés, et que les médecins peuvent surtout être accusés de trouver à tort des aliénés là où les gens du monde, les philosophes et les magistrats ne veulent voir que des individus bizarres, étranges, et présentant de simples singularités de caractère.

L’étude clinique des diverses variétés de la folie réunies provisoirement sous les noms vagues de folie raisonnante, de folie morale, de manie sans délire ou de folie des actes, exigerait un volume. Je ne puis avoir la prétention même d’ébaucher cette étude dans un discours ; mon but, aujourd’hui, est d’indiquer simplement les points principaux qui me paraissent les plus dignes d’attirer l’attention de la Société, dans ce sujet si vaste et si complexe, et de tracer en quelque sorte le programme des questions qui devront

  1. Discours prononcé à la Société médico-psychologique, dans la séance du 8 janvier 1866.