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spéciale, qui sert de lien mystérieux entre la pensée rappelée avec son mot et la pensée exprimée au dehors, sorte de pont jeté entre le monde intérieur et le monde extérieur, et qui, une fois détruite, empêche l’expression de la pensée par la parole, alors même que l’idée a été conçue, que le mot correspondant a été rappelé par la mémoire, et que les organes de la phonation se trouvent dans un état de parfaite intégrité. Cette faculté est celle à laquelle on a donné le nom de pouvoir coordinateur de la parole.

Tel est le résultat physiologique principal auquel conduit l’observation des faits d’altération du langage et de la mémoire des mots relatés dans ce mémoire.

Indiquer rapidement l’état actuel de la question ; exposer brièvement les travaux récents et les faits principaux sur lesquels ils s’appuient ; réunir un grand nombre de faits abrégés, mais très variés, dans le but de démontrer que ces cas sont plus nombreux, plus anciennement connus et plus disparates qu’on ne l’imagine ; prouver enfin, par la comparaison de leurs analogies et de leurs différences, qu’ils représentent un symptôme, devant être rattaché à des affections diverses, plutôt qu’ils ne peuvent constituer une maladie distincte et séparée, tel est le but principal que nous nous sommes proposé dans ce travail.

Nous sommes très disposé sans doute à rendre pleine et entière justice aux tentatives habiles faites dans ces dernières années pour élever ce symptôme si complexe au rang d’une maladie spéciale. Nous applaudissons de grand cœur à la découverte d’une localisation anatomique précise mise en rapport avec des symptômes particuliers observés pendant la vie. Nous souhaitons même vivement que les observations ultérieures viennent confirmer cette conquête nouvelle de l’anatomie pathologique ; car c’est toujours un véritable progrès dans la pathologie cérébrale, si obscure et si peu avancée, lorsqu’on peut arriver à découvrir un rapport de cause à effet entre un symptôme et une lésion.

Néanmoins, malgré ces éloges que nous donnons bien volontiers aux travaux récents dont nous avons rendu compte, nous ne pouvons nous empêcher de dire, en terminant, que la question des troubles de la parole et de la mémoire des mots dans les affections cérébrales ne nous semble pas encore mûre ; qu’elle est plus complexe et plus