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conditions principales sans lesquelles il ne peut être exécuté. Pour qu’il se réalise, il faut que le centre cérébral qui commande le mouvement, le nerf conducteur qui le transmet et les muscles qui l’exécutent soient dans un état d’intégrité parfaite. Ces trois éléments indispensables d’un même phénomène, inséparables à l’état normal, peuvent être dissociés par la maladie, dans certaines névroses générales telles que la chorée, la catalepsie, le somnambulisme. Dans ces maladies, en effet, on voit fréquemment un mouvement pensé ne pas être transmis, ou ne pas être exécuté, ou bien des mouvements être exécutés spontanément par les muscles sans avoir été commandés par le centre cérébral. Ici encore la pathologie peut donc servir à éclairer le mécanisme physiologique du mouvement musculaire. Mais ce n’est pas là le point sur lequel nous voulons insister actuellement. Revenons au mouvement normal. Trois éléments sont nécessaires pour qu’il s’accomplisse. Dans la voix humaine inarticulée, dans le cri, comme dans celui des animaux, on ne constate également que ces trois éléments, comme dans tous les autres mouvements volontaires de l’économie. Pour que le son puisse être émis par l’organe vocal, il suffit qu’il y ait intégrité du centre cérébral, des nerfs de transmission et des organes de la phonation. Mais pour le langage articulé il en est tout autrement. Les faits pathologiques réunis dans ce travail démontrent que deux autres éléments sont encore nécessaires pour l’expression de la pensée humaine par la parole. Ces deux éléments nouveaux, qui distinguent essentiellement le langage humain de la voix inarticulée, sont la mémoire des mots et le pouvoir coordinateur de la parole. Que l’un de ces deux éléments vienne à manquer ou à s’altérer, ou bien qu’ils s’altèrent simultanément, et le langage devient impossible, ou subit les perversions pathologiques les plus variées. Il ne suffit donc pas, pour que le langage humain soit possible, que le centre cérébral non altéré permette la conception normale de la pensée qu’on veut exprimer, que les nerfs de la phonation puissent transmettre l’ordre de la volonté et que les organes de la voix se trouvent dans un état d’intégrité. Les faits rassemblés dans ce travail démontrent que deux autres éléments entrent encore dans la constitution du phénomène complexe de la parole ; il faut que la mémoire des mots soit complètement au service de l’intelligence qui a conçu la pensée ; il faut de plus une faculté