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son. C’est le plus souvent par des efforts de volonté continus et persévérants qu’ils parviennent peu à peu à récupérer la mémoire des mots et la possibilité de les articuler, soit par une répétition fréquente des mêmes mots, soit en les entendant prononcer par une autre personne, ou en les voyant souvent mis par écrit sous leurs yeux. Le professeur Lordat, de Montpellier, a rapporté avec détails sa propre observation, et décrit les moyens ingénieux qu’il a employés pour se guérir lui-même d’un état de ce genre[1]. Nous avons cité précédemment plusieurs cas de guérison analogues (obs. 32, 38, 52).

La connaissance des faits variés dont nous parlons, lorsqu’ils auront été classés en catégories naturelles et mis en rapport avec des états maladifs différents, pourra également rendre de véritables services à la médecine légale. Dans l’état actuel de la science, lorsqu’on constate chez un malade apoplectique ou autre, un trouble quelconque de la mémoire, ou une difficulté manifeste pour exprimer sa pensée, on conclut à l’existence de la démence ou d’une débilité intellectuelle très prononcée ; on est par conséquent très disposé à considérer ces malades comme aliénés et surtout à annuler un testament fait dans de pareilles conditions. Lorsqu’au contraire on aura établi, à l’aide de faits nombreux et bien observés, que cette altération particulière de la parole et de la mémoire des mots peut quelquefois exister chez des individus dont l’intelligence est réellement intacte, le médecin expert pourra alors conclure à la validité d’un testament, écrit ou signé en connaissance de cause par un individu qui cependant ne pouvait, ni parler spontanément, ni lire ce qu’il avait écrit ou signé.

Dans d’autres circonstances encore, il peut être utile pour le médecin légiste de savoir que certaines personnes, ayant perdu la faculté de parler, ont pu conserver celle d’écrire, ou vice versa, et que d’autres, ne pouvant plus ni parler ni écrire, pourraient néanmoins donner par signes une approbation valable à un écrit mis sous leurs yeux, ou lu à haute voix en leur présence.

  1. Analyse de la parole pour servir à la théorie des divers cas d’alalie et de paralalie (de mutisme et d’imperfection du parler) que les nosologistes ont mal connus. Leçon de M. le professeur Lordat pendant l’année scolaire 1842-43, Montpellier, 1843.