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velle ; cet élément devrait, selon nous, en être totalement exclu. Nous voulons parler des faits dans lesquels il n’y a plus seulement perversion du langage, mais suppression absolue de la parole, mutisme volontaire ou involontaire, intermittent ou persistant. Lorsqu’on observe, en effet, actuellement une perte quelconque de la parole dans une maladie cérébrale ou nerveuse, on s’empresse d’affirmer que l’on a affaire à un exemple d’aphasie. C’est là, à nos yeux, un véritable abus de terme, qui ne peut qu’introduire une déplorable confusion dans l’étude de cette question déjà si compliquée. C’est bien assez de comprendre sous cette même dénomination les états très variés que nous venons d’indiquer, depuis la simple substitution d’un mot à un autre, jusqu’à ces malades qui ne conservent plus que l’usage d’un seul mot ou d’une seule syllabe servant à exprimer toutes leurs idées, sans étendre encore démesurément le sens de ce nom nouveau, en l’appliquant même à la perte absolue de la parole, ainsi que l’ont fait quelques observateurs.

L’énumération rapide que nous venons de faire des états divers, réunis aujourd’hui sous le nom générique d’aphasie, nous paraît suffisante pour motiver la conclusion suivante que nous désirons en tirer, à savoir : jusqu’à nouvel ordre, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’on soit parvenu à déterminer exactement les troubles spéciaux de la parole qui peuvent être mis en rapport constant de cause à effet avec la lésion isolée de la deuxième ou de la troisième circonvolution frontale du lobe antérieur gauche, nous serons en droit de conclure que l’aphasie est un symptôme qui peut se produire dans des conditions très diverses, et non une maladie spéciale pouvant être nettement distinguée anatomiquement et symptomatiquement des autres affections du cerveau. L’étude détaillée de ce symptôme nouveau permettra donc, selon nous, d’ajouter un chapitre important à la séméiologie mais non à la nosologie des affections cérébrales.

On peut dès à présent entrevoir quelques-uns des résultats utiles auxquels pourra conduire l’étude de ce symptôme pour la pathologie cérébrale.

Et d’abord, on sait déjà que ce symptôme n’existe jamais dans les diverses formes de la folie, ni même dans les variétés de la pa-