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veulent exprimer ; ce qui le prouve, c’est que quelquefois ils sont encore capables d’écrire correctement, quoique ne pouvant plus parler[1] ; leur intelligence n’est donc pas troublée comme dans le délire ; mais la faculté de parler est chez eux si peu en rapport avec la pensée, qu’ils ne peuvent plus prononcer que des phrases incomplètes, erronées, ou même des mots inintelligibles qui n’appartiennent à aucune langue humaine.

Il est enfin quelques cas du même genre dans lesquels le trouble est porté plus loin encore : l’écriture est alors aussi impossible que la parole, et les malades ne s’aperçoivent plus de leur erreur, et emploient, en écrivant comme en parlant, des mots ou des phrases incompréhensibles, surajoutées à des mots ou à des phrases ayant un sens déterminé.

Il y a évidemment, sous ces divers rapports, de nombreuses variétés individuelles, qu’une étude plus complète et plus détaillée de ce sujet intéressant pourra seule permettre de découvrir. On voit cependant que, dès à présent, on peut arriver à classer ces variétés en plusieurs catégories principales, d’après leurs caractères communs les plus essentiels. Parmi ces diversités individuelles, qui constituent en quelque sorte des sous-variétés, nous citerons seulement ici les suivantes : il est quelques-uns de ces malades qui ne peuvent presque plus parler et qui pourtant peuvent encore chanter ; il en est d’autres qui ne peuvent plus proférer aucun mot de la langue, excepté un seul, lequel est le plus souvent un juron grossier[2] ; d’autres sont encore capables d’articuler deux ou trois mots, et principalement des jurons, quand ils sont en colère, et ne sont plus en état de proférer une seule parole quand ils sont rentrés dans leur état de calme habituel ; d’autres malades peuvent encore compter, sans pouvoir parler et vice versa, de même qu’il est des individus de ce genre assez nombreux, qui peuvent écrire sans pouvoir parler, ou d’autres qui peuvent encore prononcer un certain nombre de mots sans pouvoir les écrire. Enfin, ces divers phénomènes sont quelquefois variables, sous le rapport de leur étendue et de leur intensité, selon les moments où l’on observe les malades, parfois même du matin au soir

  1. Voir obs. 24.
  2. Obs. 61.