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Le premier degré de l’état pathologique est représenté par les faits qui figurent dans notre première catégorie. Ces malades, ayant perdu la mémoire des mots, ne peuvent parvenir à trouver spontanément les expressions nécessaires pour rendre leurs pensées et ils y suppléent à l’aide des gestes, d’une mimique vive et animée, ou bien à l’aide de certains mots, ou de certaines syllabes, qui restent encore à leur disposition et dont ils varient à l’infini les intonations, pour arriver à se faire comprendre. Beaucoup d’apoplectiques sont dans ce cas. Ne pouvant retrouver dans leur mémoire les mots qu’ils cherchent et conservant pourtant la notion exacte de l’idée qu’ils désirent exprimer, ils s’irritent fréquemment contre cet obstacle et manifestent une grande joie quand on leur fournit le mot qu’ils avaient en vue. Dans ces cas, la mémoire des mots est surtout en défaut et la faculté d’exprimer les pensées par la parole ou par l’écriture n’est que faiblement altérée. Ce qui le prouve, c’est que ces malades, ainsi que nous l’avons indiqué en tête de notre première catégorie, peuvent facilement répéter les mots, aussitôt qu’ils leur sont fournis par un interlocuteur, et peuvent également les écrire alors qu’ils leur sont dictés ; seulement, ils ne tardent pas à les oublier de nouveau et ils éprouvent alors la même difficulté à proférer ces mêmes mots, ou à les écrire. Ce sont donc là, à proprement parler, des faits simples d’amnésie verbale, mot créé par Lordat et qui indique nettement le caractère spécial de cette altération de la mémoire. Mais ce qui démontre combien toute distinction est presque impossible, en pratique, entre les lésions de la mémoire des mots et celles de la faculté d’exprimer sa pensée par la parole ou par l’écriture, ce sont les faits suivants, qui sont tout à fait voisins des précédents, qui n’en sont séparés par aucune ligne de démarcation tranchée et qui s’observent souvent chez les mêmes malades.

Chez certains apoplectiques, en effet, dont la mémoire des mots est également en défaut, les malades, au lieu de chercher à se faire comprendre par signes et de désigner ainsi clairement la pensée qu’ils veulent exprimer, ont un besoin continuel de parler ; ils prononcent alors des mots qui se présentent machinalement à leur esprit, sans rapport véritable avec la pensée qu’ils désirent traduire au dehors, ou bien ils se servent de certains mots, toujours les mêmes,