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Broca ; ils fournissent ainsi de nouveaux éléments pour l’étude de la question qui nous occupe, et prouvent qu’on ne peut limiter cette étude d’une manière aussi rigoureuse que le voudrait Broca.

Nous résumerons dans les quatre propositions suivantes les différences essentielles qui nous paraissent exister entre les observations relatées par Trousseau et celles de Broca.

Les faits de Trousseau sont d’abord beaucoup plus variés ; ils représentent, en général, des degrés moins avancés de la perversion du langage et de la mémoire des mots que ceux observés par Broca, dans lesquels les malades n’avaient plus à leur disposition que deux ou trois mots, ou même deux ou trois syllabes. De plus, dans les observations de Trousseau, la mémoire des mots est en général aussi fortement lésée que la faculté du langage. La lésion simultanée de ces deux facultés, dans un grand nombre de cas, montre, selon nous, qu’on ne peut séparer leur étude, quoiqu’il existe évidemment des observations de perte de la mémoire des mots, sans perversion de la faculté de parler et réciproquement, ainsi que nous en avons cité plusieurs exemples évidents, dans les cas d’amnésie simple d’une part, et dans les cas au contraire où les malades, ne pouvant parler spontanément, peuvent cependant écrire correctement et répéter les mots prononcés devant eux. Les faits de Trousseau démontrent en outre que l’intelligence est, dans beaucoup de cas d’aphasie, plus fortement troublée qu’elle ne l’était dans les faits cités par Broca, et que cet auteur ne semble lui-même l’admettre dans la définition qu’il a donnée de l’aphémie, définition dans laquelle la conservation de l’intelligence figure comme caractère essentiel.

Enfin, les faits relatés par Trousseau prouvent surtout que, s’il est un certain nombre de cas d’aphasie où les troubles de l’expression de la pensée par la parole, l’écriture ou le geste, peuvent exister seuls comme symptôme cérébral isolé, et constituer alors une maladie spéciale appelée aphémie ou aphasie, il est néanmoins beaucoup d’autres cas dans lesquels cette perversion particulière de la parole coïncide avec des symptômes d’hémiplégie, de contracture, d’éclampsie, d’anesthésie, etc., avec des troubles intellectuels autres que la perte de la mémoire des mots, en un mot, avec divers symptômes cérébraux, dans la sphère de la motilité, de la sensibilité ou