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À ces caractères essentiels on pourrait encore ajouter que cette maladie est tantôt accompagnée de quelques symptômes de paralysie et surtout d’hémiplégie, tantôt au contraire exempte de tout phénomène paralytique.

Mais c’est surtout sous le rapport des lésions anatomiques que les deux observations recueillies par Broca lui ont permis d’arriver à des résultats curieux et importants. Chez ces deux malades, en effet, Broca a pu vérifier la vérité de l’opinion professée par Bouillaud sur le siège de la faculté du langage dans les lobes antérieurs du cerveau ; il a pu en outre déterminer le siège de cette lésion d’une manière plus précise encore, en la localisant dans la deuxième et surtout dans la troisième circonvolution frontale du lobe antérieur de l’hémisphère gauche. Tel est le résultat curieux et inattendu auquel Broca est arrivé par l’analyse délicate et la comparaison habile des lésions cérébrales découvertes dans le cerveau des deux malades dont il a publié l’observation.

En résumé, Broca, au lieu de se borner, comme le professeur Bouillaud, à localiser le siège de la faculté du langage dans les lobes antérieurs du cerveau, a précisé d’une manière plus rigoureuse cette localisation anatomique, en faisant résider cette faculté dans une portion très limitée de ces lobes antérieurs. De plus il y a ajouté ce fait singulier, qui paraît en contradiction avec la symétrie parfaite observée entre les deux moitiés latérales de l’encéphale, que les lésions déterminant la perte du langage articulé siégeaient exclusivement dans le lobe antérieur du côté gauche et non dans celui du côté droit. Eh bien, chose bizarre, cette conclusion si imprévue, à laquelle Broca est arrivé en se basant sur les deux faits observés par lui à l’hospice de Bicêtre, avait déjà été indiquée, en 1836, par le Dr Marc Dax, de Sommières (Gard), dans un mémoire présenté au congrès de Montpellier et intitulé : Lésions de la moitié gauche de l’encéphale coïncidant avec l’oubli des signes de la pensée[1].

Mais, malgré ce travail antérieur, dont il ignorait certainement l’existence, il reste toujours à Broca le mérite d’avoir le premier précisé le siège exact de la faculté du langage dans un point nette-

  1. Dax, Bull. de l’Acad. de méd. Voir Michel Peter, l’Aphasie (Gazette hebdomadaire, 27 mai 1864.)