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les auteurs qui les ont publiées comme ayant plutôt l’attrait de la singularité que celui de l’utilité scientifique, et ne sont devenues l’objet d’aucun travail d’ensemble ayant pour but de les réunir dans une description collective. Nous avons mentionné, dans notre première partie, quelques rares mémoires publiés sur ce sujet, à la fin du dernier siècle et au commencement de celui-ci, par Gesner et Crichton, mais il faut arriver jusqu’à une époque très rapprochée de nous pour trouver quelque travail ayant pour objet l’étude de ce point si intéressant et pourtant si négligé de la pathologie cérébrale.

Bouillaud est le premier qui, après Crichton, ait fixé son attention sur ces perturbations de la parole et de la mémoire des mots comme signes des affections cérébrales. Dès 1823[1], et depuis cette époque, dans de nombreux mémoires lus à l’Académie de médecine[2], ce savant professeur s’est occupé de cette question et a rapporté beaucoup d’observations de troubles de la parole consécutifs à des lésions traumatiques ou organiques de l’encéphale. Il est arrivé à cette conclusion que ces symptômes devaient être rattachés à une lésion constante des lobes antérieurs du cerveau, qu’il considère comme le siège d’une faculté spéciale, à laquelle il a réservé le nom de pouvoir législateur de la parole ou du langage articulé.

Ces travaux du professeur Bouillaud provoquèrent depuis trente ans de nombreuses recherches dans la même direction ; beaucoup d’observations furent recueillies par ses élèves et par ses adversaires, dans le but de confirmer ou d’infirmer l’opinion qu’il avait émise sur le siège de la parole dans les lobes antérieurs du cerveau et sur l’altération de cette fonction sous l’influence des lésions de cette partie de l’encéphale. Malheureusement, ces observations, publiées en grand nombre, furent contradictoires, et le public médical, témoin de ces discordances entre les faits recueillis par des auteurs différents, ne put que rester hésitant et suspendre son jugement en attendant de nouvelles recherches.

Les choses en étaient à ce point, lorsqu’en 1861 surgit à la Société d’anthropologie une discussion entre Gratiolet, soutenant qu’on n’avait pu encore localiser le siège de la parole dans les lobes anté-

  1. Bouillaud, Traité de l’encéphalite.
  2. Bulletin de l’Académie de médecine.