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son âge, il répondit oui ; comment il s’appelait, il répondit oui ; êtes-vous souffrant ? Oui ; depuis quand êtes-vous malade ? Oui. Il ne put obtenir d’autre réponse, et chaque fois ce mot était accompagné d’un geste d’impatience. On se mit à table, et pendant tout le repas, ce malade donna plusieurs fois des signes évidents d’intelligence, et se montra gracieux amphitryon. Après le dîner, on fit apporter ce qu’il fallait pour écrire, et l’on demanda au malade de tracer le mot oui. Il n’y réussit pas. On prit un livre d’étrennes intitulé : Histoire des deux Amériques, titre écrit en grosses lettres, et on lui demanda de trouver dans ce titre les trois lettres nécessaires pour composer le mot oui ; il mit deux ou trois minutes à trouver la première, et manifesta une grande joie quand il l’eut trouvée. Il mit plus longtemps encore à trouver la seconde, et exprima le même contentement. Enfin, il trouva plus rapidement la troisième, et se montra de plus en plus satisfait. On le pria alors d’écrire le mot oui ; il fit longtemps des efforts, et n’y réussissant pas, il se mit en colère, jeta le livre par terre, en prononçant incomplètement le juron f...... f......, qui lui était habituel.

Eh bien, cet homme, malgré cet affaiblissement intellectuel évident, conservait la possibilité de surveiller la gestion de ses propriétés et d’exprimer une opinion sur des affaires assez compliquées. De plus, il continuait à jouer aux cartes comme avant sa maladie. On lui demanda son âge, et il parvint à exprimer avec ses doigts le nombre 58, en indiquant que le pouce représentait une dizaine, ce qu’on avait eu d’abord quelque peine à comprendre.

Ce malade combine donc des coups de cartes, compte bien, et quoique aphasique, a encore des manifestations intellectuelles très nombreuses. Comme le malade précédent, il éprouve des accès épileptiformes, ce qui, d’après Trousseau, a été fréquemment noté dans les observations d’aphasie relatées dans divers journaux de médecine.

Observation LX. — Trousseau a encore observé un homme tout à fait aphasique et hémiplégique du côté droit. Les manifestations intellectuelles étaient chez lui encore plus limitées que chez ceux dont l’histoire a précédé. Il ne pouvait dire que : Af., af. Il avait fini par ne pouvoir plus que souffler : Fe., fe. Quoi qu’on lui