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Effrayé, il appela sa femme et lui dit qu’il sentait la paralysie lui venir et qu’il fallait demander aussitôt un congé. On lui apporta du papier, une plume et de l’encre, et il voulut se mettre à écrire, mais il ne put tenir la plume. Alors il dicta, avec un peu d’hésitation dans la parole, une lettre de plusieurs pages, dans laquelle il exposait avec lucidité les motifs de sa demande de congé. Le soir même, il tombait tout à coup dans une complète paralysie du côté droit, et, à partir de ce moment, il ne put prononcer que nazi-bouzi.

Pendant huit ou dix jours ces deux mots furent les seuls qu’il put articuler, de même qu’un autre malade de l’Hôtel-Dieu dont Trousseau rapporte aussi l’observation, et qui ne pouvait dire que couci-couci (voir plus loin). À partir du dixième jour, la paralysie du côté droit diminua, puis elle céda peu à peu et ce malade ne conserva, chose singulière, que le spasme des écrivains, appelé par Duchenne, de Boulogne, spasme fonctionnel, ce qui l’obligea à tenir son coude droit attaché au tronc, afin qu’il ne pût tourner en pronation exagérée.

Cette observation, comme la précédente, est, dit Trousseau, un exemple d’aphasie avec paralysie plus ou moins complète, mais paralysie cependant transitoire et qui par conséquent n’était due qu’à des lésions probablement légères de l’encéphale.

Observation LVIII. — Un malade, placé au no 20 de la salle Sainte-Agnès, à l’Hôtel-Dieu, est âgé de quarante ans. Il a été autrefois au séminaire et a pu arriver jusqu’aux ordres mineurs, ce qui indique qu’il a reçu une instruction assez avancée. Cependant, malgré cette culture intellectuelle, ce malade est sous ce rapport inférieur à un autre qui appartient à la classe des ouvriers sans instruction. Il s’est marié il y a quelques années et a eu une vie assez irrégulière. Une nuit, sa femme l’entendit tomber dans sa chambre, à deux reprises différentes, mais ne s’en inquiéta pas autrement, vu ses habitudes d’ivresse. Mais, le lendemain matin, elle s’aperçut qu’il la regardait avec des yeux hébétés, qu’il était paralysé du côté droit et qu’il ne pouvait plus parler. À partir de ce moment, cet homme n’a pu dire autre chose que couci-couci si si. Depuis un mois, on n’a pu obtenir de lui que l’éternel couci-couci. Cependant l’affaiblissement du côté droit a diminué. Il commence à se tenir