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tions cérébrales, quelquefois même sans donner lieu à aucun symptôme appréciable. Comment expliquer, par exemple, le fait si fréquent, à la suite de lésions traumatiques, d’abcès volumineux qui existent pendant des mois dans la substance cérébrale, sans troubler d’une manière sensible les fonctions de cet organe, jusqu’au moment où surviennent tout à coup des accidents aigus, qui entraînent, en quelques jours, la mort des malades ? Comment se rendre compte également de la production lente et successive de beaucoup de tumeurs cérébrales, qui, souvent pendant de longues années, se développent sans déterminer aucun trouble apparent des fonctions, tandis que, dans d’autres cas au contraire, la plus simple et la plus petite altération suffit pour produire les symptômes les plus manifestes et les plus graves ? On a invoqué, pour expliquer ces contradictions, la différence de siège ; la compression, presque insensible dans un cas, causée par le lent développement de ces tumeurs, opposée à la compression subite produite dans d’autres circonstances ; enfin l’existence de congestion ou d’inflammation circonvoisine de la substance cérébrale dans un cas, et son absence dans l’autre. Mais ces motifs sont insuffisants pour expliquer toutes les bizarreries que présentent à chaque instant les affections encéphaliques. Comment comprendre par exemple, l’intermittence fréquente des symptômes coïncidant avec la constance des lésions, l’intermittence par exemple de la céphalalgie, des vertiges, et des attaques épileptiformes, dans les tumeurs du cerveau ?

Les recherches anatomiques ne peuvent donc suffire, dans l’état de nos connaissances, pour éclairer les cas si complexes, si obscurs et souvent si difficiles à reconnaître, que les maladies du cerveau présentent à l’observation du médecin praticien. Cela est surtout vrai, si l’on ne se borne pas à l’étude des maladies très caractérisées et parfaitement développées, telles qu’on les observe dans les hôpitaux, et si l’on pénètre dans la pratique privée, dans l’intérieur même des familles, pour assister aux débuts et à l’évolution souvent si lente et si insidieuse des affections cérébrales.

L’étude symptomatique des débuts et des manifestations les plus délicates des maladies du cerveau, qui échappent le plus souvent à l’observation à cette période de leur développement, nous paraît donc présenter un vif intérêt. Cette étude, que les médecins ordi-