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nait très bien. Cet accident ne s’est plus reproduit depuis, et la santé de notre confrère s’est bien maintenue. Il convient d’ajouter que ce confrère est diabétique.

Observation LIII. — En janvier 1861, un riche négociant du Havre, atteint d’albuminurie, se mit à une table de whist dans une salle chaude et remplie de fumée de tabac. Il causait tout en fumant ; à un dernier rubber, il voulut faire une observation à son partner, mais il ne put proférer une seule parole ; il prit alors son chapeau et sa canne, et s’en alla chez lui, à 1 kilomètre de distance, marchant sans hésitation. Arrivé chez lui, il veut parler pour dire ce qu’il éprouve, et il ne le peut pas. On court chercher un médecin. Celui-ci arrive, mais le malade ne peut rien lui dire. (Application de sangsues à l’anus.) Une demi-heure après, le malade cherche encore à exprimer un désir : même impuissance. Il manifeste son impatience par des gestes furieux ; il indique par signes qu’il veut de nouvelles sangsues, et on les lui applique. Une demi-heure après, le malade commence à dire quelques mots, il balbutie, bredouille encore, mais s’exprime cependant de mieux en mieux à mesure que le sang coule. Au bout de trois heures, tout avait disparu. Ce malade n’avait eu aucune paralysie, mais seulement de l’aphasie.

Observation LIV. — En 1862 et 1863, Trousseau fut consulté par l’un des plus éminents jurisconsultes de France, qui a parfois de petits engourdissements au pied droit et dans la main du même côté. Il n’accuse point d’affaiblissement ; cependant, quand il marche, il penche un peu à droite et remarque quelquefois, comme une chose insolite, que sa jambe droite ne va pas bien. De temps en temps, il survient chez lui un phénomène très singulier : il commence une phrase, et tout à coup il s’arrête à la recherche du mot qui ne lui vient pas ; il dit, par exemple : « Donnez-moi mon… mon… » et, ne pouvant trouver le mot chapeau, il le remplace par un juron qui lui est familier ; il lui arrive de même de ne pas trouver le mot parapluie lorsqu’il veut le prononcer. Avec un léger affaiblissement d’un côté du corps, ce malade présente donc de temps en temps de singulières absences, des oublis bizarres dans la pa-