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Il est certain que cette lésion n’est pas un ramollissement ; le tissu cérébral est si loin d’être ramolli sur les parois du foyer que la mince languette qui maintient la continuité de la circonvolution frontale a conservé sa solidité ; cela paraît même indiquer que le tissu cérébral, au voisinage immédiat du foyer, est plus résistant qu’à l’état normal. D’un autre côté, sur les parois du foyer, on aperçoit quelques petites taches d’un jaune orangé qui paraissent d’origine hématique, et l’examen microscopique a montré qu’il y avait à ce niveau des cristaux d’hématine. Il s’agit donc d’un ancien foyer apoplectique, et l’on n’a pas oublié que ce malade avait perdu la parole subitement, dans une attaque d’apoplexie, dix-huit mois avant sa mort.

Après avoir relaté les deux faits intéressants qui précèdent, et qui sont empruntés au mémoire de Broca, il nous reste maintenant, pour terminer la partie clinique de ce travail, à analyser les observations citées par le professeur Trousseau[1]. La relation de ces faits nous fournira des documents précieux pour les réflexions générales qui feront l’objet de notre troisième article.

V.Faits de Trousseau.

Observation LI. — En 1853, Trousseau observa dans la salle Sainte-Agnès, à l’Hôtel-Dieu, un ouvrier qui, à la suite de libations copieuses, avait tout à coup perdu la faculté de parler. Il pouvait mouvoir la mâchoire, la langue et les lèvres avec la plus grande facilité. L’expression de ses yeux et de sa physionomie indiquait d’ailleurs qu’il conservait l’intégrité de son intelligence. Je lui demandai s’il savait écrire. Il me fit un signe affirmatif. Je lui fis apporter du papier et lui fis remettre une plume entre les mains, en le priant d’écrire son nom et son adresse ; il lui fut impossible d’écrire quoi que ce fût, et pourtant ses doigts jouissaient de toute leur mobilité. Je me plaçai au point de vue d’un trouble cérébral, et je lui prescrivis quelques purgatifs, des frictions stimulantes aux tempes et à la nuque. Au bout de dix à quinze jours, le malade

  1. Trousseau, Clinique médicale de l’Hôtel-Dieu.