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quand on lui demandait son nom : il répondait alors Lelo pour Lelong, qui était son véritable nom.

Les trois premiers mots de son vocabulaire correspondaient chacun à une idée déteminée. Pour affirmer ou approuver il disait oui. Pour exprimer l’idée opposée, il disait non. Le mot trois exprimait tous les nombres, toutes les idées numériques. Enfin, toutes les fois qu’aucun des trois mots précédents n’était applicable, Lelong se servait du mot toujours qui par conséquent n’avait aucun sens déterminé. Je lui demandai s’il savait écrire ? Il répondit oui. — S’il pouvait ? Non. « Essayez ! » Il essaya ; mais il ne put réussir à diriger la plume.

Les applications qu’il faisait du mot trois étaient assez curieuses. Ce mot était toujours accompagné d’un signe fait avec les doigts, parce que notre malade, sachant que sa langue trahissait sa pensée, rectifiait ainsi par le geste cette erreur involontaire. L’auteur cite ici plusieurs exemples des réponses faites par le malade à l’aide du nombre trois, et des moyens employés pour arriver à comprendre ce qu’il voulait dire par ce mot unique expliqué avec les doigts. Avez-vous des enfants ? Trois ; et il levait quatre doigts. Combien de garçons ? Trois ; et il levait deux doigts. Combien de filles ? Et il levait encore deux doigts. Quelle heure est-il ? Trois, et il levait dix doigts (il était dix heures).

Il avait en outre des gestes très expressifs, qui lui permettaient de faire comprendre sa pensée à l’aide du petit nombre de mots qui étaient à sa disposition.

En résumé, il résultait de l’observation attentive de ce malade : 1o qu’il comprenait tout ce qu’on lui disait ; 2o qu’il appliquait avec discernement les quatre mots de son vocabulaire ; 3o qu’il était sain d’esprit ; 4o qu’il connaissait la numération écrite, et au moins la valeur des deux premiers ordres d’unité ; 5o qu’il n’avait perdu ni la faculté générale du langage, ni la motilité volontaire des muscles de la phonation et de l’articulation, et qu’il n’avait perdu par conséquent que la faculté du langage articulé.

Ce malade s’affaiblit rapidement, et mourut le 8 novembre 1861, douze jours seulement après sa chute.

Autopsie. Les viscères thoraciques et abdominaux ne présentaient rien de remarquable. Négligeant la fracture du col du fémur, je ne parlerai que du cerveau.