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constamment le lit. Il s’était écoulé environ quatre ans depuis le début de la paralysie du bras jusqu’au moment où celle du membre abdominal avait été assez avancée pour rendre la station tout à fait impossible. Il y avait donc à peu près sept ans que Tan était alité lorsqu’il fut conduit à l’infirmerie. Cette dernière période de sa vie est celle sur laquelle on a eu le moins de renseignements. Comme il était devenu incapable de nuire, ses camarades ne s’occupaient plus de lui, si ce n’est pour s’amuser quelquefois à ses dépens (ce qui lui donnait de vifs accès de colère), et il avait perdu la petite célébrité que la singularité de sa maladie lui avait donnée autrefois dans l’hospice. On s’était aperçu que sa vue baissait notablement depuis environ deux ans ; c’était la seule aggravation qu’on eût notée depuis qu’il gardait le lit. Du reste, il n’avait jamais été gâteux ; on ne changeait ses draps qu’une fois par semaine, de telle sore que le phlegmon diffus pour lequel il fut transporté à l’infirmerie, le 11 avril 1861, ne fut reconnu par les infirmiers que lorsqu’il eut fait des progrès considérables et envahi la totalité du membre abdominal droit depuis le pied jusqu’à la fesse.

État actuel. L’étude de ce malade qui ne pouvait parler et qui, paralysé de la main droite, ne pouvait écrire, offrait quelque difficulté. Il était d’ailleurs dans un état général tellement grave qu’il y aurait eu cruauté à le tourmenter par de trop longues investigations.

La sensibilité générale était partout conservée, quoique inégalement. La moitié droite du corps était moins sensible que l’autre, ce qui avait contribué sans doute à atténuer la douleur du phlegmon diffus. Le malade n’en souffrait pas beaucoup, lorsqu’on n’y touchait pas, mais la palpation était douloureuse et des incisions provoquèrent de l’agitation et des cris.

Les deux membres droits étaient complètement paralysés du mouvement ; les deux autres obéissaient à la volonté, et, quoique affaiblis, pouvaient sans hésitation exécuter tous les mouvements. L’émission des urines et des matières fécales était naturelle, mais la déglutition se faisait avec quelque difficulté ; la mastication, au contraire, se faisait très-bien. Le visage n’était pas dévié ; toutefois, dans l’action de souffler, la joue gauche paraissait un peu plus gonflée que la droite, ce qui indiquait que les muscles de ce côté de la face étaient un peu affaiblis. Il n’y avait aucune tendance au stra-