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Le Dr Osborn a rapporté avec détails l’observation remarquable suivante :

Observation XXIV. — Un monsieur de trente-six ans environ, d’une instruction littéraire très distinguée, élève du collège de la Trinité, et connaissant le français, l’italien et l’allemand, demeurait, il y a un an environ, à la campagne, et avait pris l’habitude de se baigner dans un lac voisin. Un matin, après son bain, il était assis à déjeuner lorsqu’il tomba tout à coup d’une attaque d’apoplexie. Un médecin fut appelé, qui le saigna, et, soumis à un traitement approprié, il reprit ses sens environ quinze jours après. Quoique ayant recouvré l’usage de son intelligence, il était complètement privé de la parole. Il parlait, mais ce qu’il disait était tout à fait inintelligible, quoiqu’il ne fût atteint d’aucune affection paralytique et qu’il prononçât un grand nombre de syllabes avec une véritable facilité. Lorsqu’il vint à Dublin, son jargon extraordinaire le fit prendre pour un étranger dans l’hôtel où il descendit, et lorsqu’il vint au collège pour voir un de ses amis, il fut incapable d’exprimer son désir au concierge, et n’y réussit qu’en indiquant avec le doigt les appartements que cet ami habitait.

Le Dr Osborn eut de fréquentes occasions d’observer la nature particulière de trouble dont ce malade était atteint, et l’éducation libérale qu’il avait reçue le mit en état de découvrir plusieurs particularités de cette affection, qui, sans cette circonstance, n’eussent pas pu être mises en lumière. Ces particularités étaient les suivantes :

1oIl comprenait parfaitement tous les mots qu’on lui disait, ce qui était prouvé par beaucoup de moyens inutiles à décrire ici.

2oIl comprenait parfaitement le langage écrit. Il continuait à lire les journaux tous les jours, et, lorsqu’on l’examinait, il prouvait qu’il avait un souvenir très exact de tout ce qu’il avait lu. S’étant procuré un exemplaire de la Pathologie d’Andral, en français, il la lut avec rapidité, ayant eu en dernier lieu l’intention d’embrasser la profession médicale.

3oIl exprimait ses idées en écrivant avec une grande rapidité, et lorsqu’il se trompait, cela paraissait résulter d’une simple confusion de mots et non d’une incapacité, les mots étant d’une orthographe correcte, et seulement quelquefois mal placés. Il traduisait des